C'est une jeune femme choquée et traumatisée qui nous raconte la journée du 6 mars 2010 chez une guérisseuse (médecine traditionnelle) résidant à Djenane El Mabrouk à Bachdjerrah. “Ce jour-là, une amie souffrant du dos a décidé en dernier recours, après plusieurs consultations chez les médecins, de tenter la médecine traditionnelle en allant chez cette dame qui a surtout la réputation de soigner les enfants. Pour ma part, je reste toujours sceptique en ce qui concerne ces pratiques”, a-t-elle souligné. Une fois sur les lieux, la jeune B. Nassima a constaté la présence d'un grand nombre de femmes dont la plupart portaient sur les bras des nourrissons ne dépassant pas les huit mois. Selon notre interlocutrice, l'une d'elles tenait dans ses bras un garçon de six mois. “J'osais lui demander l'objet de sa présence chez cette femme. Elle m'a répondu que c'est pour soigner son fils atteint du mauvais œil et qui ne dort pas la nuit”, raconte Nassima. Relatant la scène de la “pseudo consultation”, elle dira que “la guérisseuse était assise à même le sol, elle allume un réchaud sur pied et demande à la maman de le lui remettre le nourrisson. J'étais à mille lieux d'imaginer que j'allais vivre un film d'horreur ou une séance de torture des plus barbares que je n'oublierai jamais tellement cela m'a bouleversé. Elle dénude le bébé, le met sur ses genoux, prend quatre roseaux attachés à l'aide d'une ficelle et le fouette de la tête aux pieds. Ce dernier hurlait et se débattait, mais elle le maintenait fortement, l'empêchant de bouger. Ne supportant pas la scène, j'ai essayé de venir en aide à l'enfant, en vain. Ni mes larmes ni mes cris n'ont fait réagir la mère qui était stoïque”. Trouvant que la réaction de Nassima est exagérée, les femmes présentes ont voulu la persuader que le bébé ne souffrait pas car, “la tortionnaire”, “le monstre en question” avait un pouvoir bénéfique et salutaire sur les enfants. “J'ai tout essayé pour leur faire entendre raison, en vain”. Voulant décrire toute la tragédie qu'a vécue cet enfant, Nassima nous dira que “la peau de cet innocent était si blanche au début, ensuite, elle s'est transformée en lacérations rouges. Elle a introduit un coton imbibé d'huile dans la bouche de sa victime et lui a pincé les narines en poussant sa folie jusqu'à placer ses deux doigts (l'index et le majeur) dans la gorge de ce pauvre enfant. Il se tordait de douleur et criait de toutes ses forces. Pour combler le tout, elle lui asséna des coups toujours avec ses roseaux sur son petit crâne et termina sa séance de supplice en lui frottant le corps frêle et douloureux avec une huile. Enfin, elle l'a remis à sa mère. Je vis le pauvre bébé qui tremblait, la morve coulait de son nez, le visage déformé par la douleur et pleurant faiblement car, il était épuisé par ce qu'il venait de subir”, relatera notre interlocutrice qui soulignera qu'elle était impuissante devant un acte d'une telle barbarie et d'une telle monstruosité inimaginable à l'égard de cet enfant si beau et plein de vie. “Ne pouvant supporter cela, je me suis levée en larmes, déchirée par ce que je venais de vivre en me jurant que je devais dénoncer cet acte cruel, inhumain. Mais ce que je retiens de ce cauchemar est que les personnes présentes sont toutes crédules, ignorantes et très convaincues du bienfait de ces pratiques inhumaines et ignobles”, avouera-t-elle avec amertume, tout en déclarant qu'en sortant de chez cette femme, elle a laissé une seconde victime derrière elle. Il s'agit d'une petite fille de cinq mois qui souffrait de déshydratation et d'une infection urinaire et qui était hospitalisée pendant une semaine. “Sa mère ainsi que sa grand-mère ont jugé que seule cette sadique avait le pouvoir de la guérir et ce, en lui faisant subir les mêmes pratiques barbares qu'au petit garçon. Je n'ai aucun moyen de stopper cela et venir en aide à ces anges qui tombent entre les mains de parents stupides, ignorants et qui surtout, jouent avec la vie de leur progéniture sans le savoir.” Nassima n'a pu rien faire que d'adresser un appel aux instances concernées pour la défense des droits de l'enfant. “S'il vous plaît, réagissez, faites en sorte que ces charlatans ne puissent plus exercer ces tortures sur ces corps si fragiles et ses âmes innocentes. Qui va défendre ces enfants ? Qui va les protéger de ce genre de pratiques ? C'est une honte de constater qu'en l'an 2010, les esprits restent hermétiques au bon sens, à la véritable science et se tournent vers le charlatanisme. Aidez-les s'il vous plaît. Pesez de tout votre poids pour mettre fin à ces actes ignobles.”