On a remarqué cette année que la Mostra de Venise s'essouffle et perd ses spectateurs. A Toronto, au contraire, il y a une indéniable envergure cino-populaire. Il y a aussi un peu de magie dans l`air. Derrière Dungas Square, où le festival a planté son décor nocturne, on passe devant une longue file de Cadillac rutilantes, garées dans Victoria street, attendant la sortie des stars, à deux pas du tapis rouge... Toronto (Canada) : De notre envoyé spécial Cette année, le Festival de Toronto a encore déployé sa consistance solide : 64 pays représentés, 320 films, 36 écrans de projection. C'est aussi le festival du grand business. On vend et on achète beaucoup de films à Toronto, en raison de l'étendue du marché nord-américain. Du coup, le marché du film, au Sutton Place Hotel, le siège fiévreux du festival, fonctionne jusqu'à pas d'heure. Au Cineplex Odeon, quartier général de le presse internationale, les projections démarrent tôt et jusqu à minuit... Au chapitre des films remarqués, une œuvre singulièrement attachante Pandora Box de la cinéaste turque Yessim Ustaoglu. C'est le portrait d'une famille d'Istanbul qui se disloque. Portrait intime et universel à la fois : la Turquie change. Une classe moyenne est apparue. Les relations familiales, la morale ne sont plus comme avant. Sous le regard caustique d'une vieille grand-mère, la vie familiale se dégrade, ne lui reste que son refuge en montagne pour oublier le monde nouveau. Une histoire triste mais le ton du film est très poétique. Jamais sans doute Istanbul et les paysages de la mer Noire n' ont été filmés avec tant de soin, tant de recherche visuelle sidérante. Istanbul surtout, envoûtante et lumineuse, n'est pas celle des catalogues d'agences. Un film brésilien Last stop 174 de Bruno Barreto revient avec justesse sur la situation préoccupante que vit Rio de Janeiro, les meurtres de gosses de la rue, le trafic de drogue, la violence inouïe qui secoue la ville. Choses déjà montrées au cinéma, mais Barreto s'appuie sur une série de faits réels, des prises d'otages dans les bus de la ville et son film paraît comme un témoignage hallucinant sur la machine infernale qui secoue les cariocas. Au Festival de Toronto, on peut aussi juger sur place des films qu'on ne voit jamais ailleurs. Rain de la cinéaste Maria Govan des Bahamas est une œuvre parfaite. On était loin d'imaginer qu'aux Bahamas des cinéastes locaux avaient l'occasion de tourner des films, sélectionnés ensuite dans un grand festival comme celui de Toronto... Il existe désormais un cinéma national aux Bahamas, qui n'est pas uniquement le paradis touristique pour tour-opérateurs américains. Maria Govan filme d'ailleurs le contre-point, la face cachée des Bahamas ; misère de Nassau, prostitution, sida. Le récit suit le parcours d'une jeune fille à la recherche de sa mère partie du village pour se prostituer dans la capitale. L'héroïne, heureusement, entre dans une école, fait beaucoup de sport et devient une athlète célèbre, championne de course. Une nouvelle vie s'offre à elle. Une Hassiba Boulmerka des Bahamas ! Le Festival de Toronto est une institution bien spéciale, liée à la fameuse cinémathèque de l'Ontario, vivant de dons privés, de sponsors de grandes marques comme Cadillac et s'appuyant sur une quantité de gens bénévoles et enthousiastes. L'an dernier, le Festival a vendu 400 000 tickets. Les prix des places tournent autour de 20 dollars. C'est aussi ce qui permet au Festival de Toronto tous les ans en septembre de donner des nouvelles du cinema du monde entier.