Miraculeusement échappés aux manœuvres perpétrées par l'artillerie lourde d'Israël, les responsables du Festival international du film de Beyrouth sont venus à la Mostra de Venise, invités par Marco Muller, directeur de la Mostra, David Groff, président de la Biennale et Massimo Cacciari, maire de Venise. Ils ont pris part à une conférence de presse pour parler de leur prochaine manifestation qui débutera en principe le 4 octobre si d'ici là Beyrouth a connu une relative relance au chapitre de la culture. Pendant ce temps-là, le public très averti de la 63e Mostra court vers les auteurs de films (locomotives) comme Brian de Palma, Alain Resnais, Stéphen Frears, Gianni Amelio, lesquels auteurs et films entraînent sur leur sillage beaucoup d'autres. Il manquait ces dernières années des films africains à la Mostra : cette année, il y a en compétition celui du Tchadien Mohamed Salah Haroun : Darak, produit par Abderrahmane Cissoko et Arté. Il manquait un cinéaste algérien : bonne surprise, puisque Tarik Teguia présentera dans la section orizonte son long métrage : Roma Wala N'touma. On dirait aussi que la Mostra de Venise s'enrichit progressivement. En dehors des trois principales sections compétition, hors compétition et orizonte, il y a maintenant la nouvelle Jornata Degli Autori, une sorte de quinzaine des réalisateurs qui s'ajoute à la Sebtimana Della Critica (semaine de la critique) qui existe depuis longtemps. Il y a beaucoup d'autres programmes et événements annexes à la Msotra qui en font le principal festival italien, pour le moment. Car Rome est en train de mettre en scène sa propre manifestation. Et cela crée déjà pas mal de remous, de polémiques : les amis italiens sont les spécialistes de la « chikaya »… La presse italienne consacre des pages à ce sujet. Question : Est-ce Venise qui va prendre des films à Rome ou le contraire ? Chaque festival affirme qu'il a les meilleurs films. En tout cas, à voir le programme prestigieux réuni par Marco Muller, on peut croire que la Mostra est très sereine sur ce chapitre. Même si Rome annonce la venue de Nicole Kidman, Robert de Niro et Sean Connery (ce qui fait dire à un Vénitien : Rome, c'est James Bond, nous, c'est François Truffaut). Le maire de Rome Waler Veltron (« multo amico di tutti », selon la Repubblica, ce qui veut dire : ami avec tout le monde ) est effectivement proche de Massimo Cacciani, maire de Venise, de Marco Muller, de tous les producteurs, cinéastes, acteurs importants en Italie. Il a réussi à obtenir un gros budget (maltissimi soldi, dit-on) pour son festival. Il veut créer un marché du film puisque celui de Milan, le Mifed, a disparu. Rome a des multiples pour cela, ce que Venise n'a pas. Le ministre de la Culture Rutelli entre en scène aussi dans cette affaire qui tourne à la comedia dell Arte. En effet, c'est Veltroni qui a remplacé Rutelli à la tête de la mairie de Rome, Et c'est Rutelli qui a remplacé... Veltroni au poste de ministre de la Culture ! Tout ce beau monde, y compris (Acciari, fait partie des organisations politiques de gauche de la coalition au pouvoir). Et ils sont tous amis ! Ce qui veut dire que, tôt ou tard, la capitale italienne va se réconcilier (en grande pompe) avec la « Vecchia signora da laguna » (Venise) et que l'affaire du film Napoléon (avec Monica Bellucci) sera vite oubliée. En effet, le film prévu pour la Mostra ira à Rome. Cependant, la proximité des deux festivals embarrasse les producteurs italiens (qui eux aussi sont « bien avec tout le monde »), et c'est pour cela qu'ils essayent de changer la date du festival de Rome du mois d'octobre à février. Affaire à suivre. Tandis qu'une foule nombreuse continue à suivre le programme de la Mostra au Lido, les fans des opéras de Mozart sont conviés à voir dans l'enceinte du célèbre théâtre La Fenica de Venise le nouveau film du cinéaste anglais Kenneth Branagh, adapté de La Flûte enchantée. Le théâtre la Fenica a une longue et tragique histoire. Son nom vient du mot italien « fenix » puisqu'il est apparu des cendres de son prédécesseur le théâtre San Benedett détruit par le feu en 1773. La Fenica a été construite en 1790 mais achevée seulement en 1792,car à peine construite elle a brûlé. Elle a brûlé encore une fois en 1836. Les grands opéras italiens de Verdi ont été montrés à la Fenica. Son grand rival, c'est la Scala de Milan. En 1996, de nouveau, un incendie ravage totalement pendant 10 heures la Fenica, ses décors, ses costumes, ses fauteuils. Sept ans après, en 2003, la Fenica renaît une nouvelle fois de ses cendres sur le campo San Fantin. C'est donc là que la Mostra montre The Magic Flute (la flûte enchantée) que Kenneth Branagh, un spécialiste du théâtre de Shakespeare, vient de tourner. Titre original de l'opéra de Mozart : Die Zamber Flöte. Cet air le plus célèbre du répertoire lyrique mondial a déjà été filmé en 1974 par Ingmar Bergman. Il s'agit du dernier opéra écrit par Mozart en septembre 1791 et présenté pour la première fois à Vienne. Mozart est mort le 5 décembre 1791, très peu de temps après, sans avoir assisté au succès grandiose de son œuvre, où le prince téméraire Tamino part à la recherche de la fille de la reine de la nuit, muni d'un carillon magique et d'une flûte enchantée.