La bonne image de marque du festival de Toronto ( 10-20 septembre) se résume en quelques faits : un stock de 300 films venus de tous les coins de la planète, un sens de l'organisation secondé par des bénévoles volontaires, de l'hospitalité et de la fête incomparable, une aptitude à recevoir l'aide du gouvernement et de riches sponsors privés. Toronto (Canada). De notre envoyé spécial Cette ville splendide a un surnom : c'est New York gérée par des Suisses ! On quitte Venise et la Mostra un peu désordre et on débarque à Toronto pour voir que les choses sont dans l'ordre. Les doigts agiles sur les claviers des ordinateurs,voici les compagnons quittés la veille au Lido, cette bande d'envoyés spéciaux multilangues des grands quotidiens du monde. Ils ont tant vu d'images déjà mais ils en veulent encore ! Chaque année le festival de Toronto est une océan d'images et il n'y a guère de risque qu'ils s'y noient… Un sombre nuage est passé dans le ciel du festival les premiers jours. Un manifeste signé par plus de mille personnalités, cinéastes, acteurs, écrivains comme Jane Fonda, George Clooney, Naomi Klein, Penelope Cruz, Ken Loach, Ophrah Winfrey, Danny Glover, Juliane Moore, Norman Jewisson, David Cronenberg, dénonce la programmation massive de films israéliens ici, au regard des crimes commis à Ghaza, des bombes au phosphore et des destructions massives. Trop c'est trop, dit le texte, il ne faut pas tomber dans l'éloge d'un Etat voyou. Elia Suleimane n' a pas voulu retirer son film estimant qu'il est venu défendre le cinéma arabe. C'est ce qu' a fait pourtant le grand cinéaste canadien John Greyson. Cela étant dit, le festival de Toronto heureusement ne se résume pas à cela. A Cannes, Berlin, il y a aussi des films israéliens tous les ans, souvent insignifiants, imposés par les producteurs qui ont des attaches avec les lobbys de Tel-Aviv en Europe. Malgré cette erreur de programmation, le festival de Toronto mérite tous les éloges pour projeter aussi massivement des films d'Amérique latine, du monde arabe, d'Asie. Le cinéma du Bengale surtout invisible ailleurs est bien présent dans le programme comme référence essentielle du cinéma d'auteur d'Asie. Janala (la fenêtre) du cinéaste de Calcutta Buddhadeb Dasgupta est un petit chef-d'oeuvre et il fait partie de la dizaine de films indiens au programme. Brillamment maîtrisé et joué, ce film s'inscrit dans le registre social et économique de l'Inde actuelle qui progresse à vive allure (un Américain qui cherche à réserver son billet sur la TWA ou American Airlines passe aujourd'hui par un centre situé à Bengalore ou Calcutta). Mais cela ne va pas sans problèmes :cette économie d'avant-garde est gangrenée par une une vaste corruption que le film pointe avec clarté. Le revers de la médaille du nouveau rêve indien. Talent original aussi, c'est celui de la cinéaste russe vivant en Ukraine, Kira Mutatova dont Melodia, son long métrage de 150 mn, est apparu comme un conte cruel mais expressif de la jeunesse. Quatre autres films russes sont aussi proposés au festival de Toronto qui est devenu un marché très important. Dans les salons feutrés du Sutton Place Hotel, un contrat est signé toutes les cinq minutes et on entend dans le brouhaha le bruit familier des bouchons de champagne qui sautent et le tintement des verres qu'on siffle. En attendant les quantités d'autres servis lors des galas nocturnes.