La Syrie a-t-elle signé son retour dans le concert des nations en juillet dernier à Paris ? La participation syrienne au sommet du lancement de l'Union pour la Méditerranée le 13 juillet à Paris était d'une grande importance. L'intérêt porté par les Français à la présence syrienne à ce sommet était, on ne peut plus clair, la preuve de la conviction de la France mais aussi des pays européens qu'il est impossible d'isoler la Syrie, que cela plaise ou déplaise. C'est également la reconnaissance des Européens du rôle de la Syrie et de son importance dans le monde arabe et surtout dans le Moyen-Orient. Cela montre aussi le changement de la politique française en particulier et européenne en général vis-à-vis de la Syrie. Les Européens, à leur tête la France, se détachent de la politique américaine dans la région. C'est également une preuve de plus quant à l'effondrement du projet américain du Grand Moyen-Orient. La Syrie a toujours activé diplomatiquement pour renforcer sa place dans le concert des nations et a œuvré sans relâche pour l'amélioration de ses relations avec l'Europe. Même aux pires moments de son isolement, la Syrie a reçu des visites d'importants et de hauts responsables européens. Je crois qu'ainsi la diplomatie syrienne a réussi à briser le mur de l'isolement que les Etats-Unis ont essayé de dresser autour d'elle. Les relations diplomatiques sont rétablies entre la Syrie et le Liban. Est-ce la fin de la crise entre les deux pays ? Il n'y a pas eu de crise entre les deux pays. En renouant les liens diplomatiques, Damas et Beyrouth signent plutôt la fin de leurs relations tumultueuses. Le sommet entre la Syrie et le Liban a remis sur les rails leurs relations. Il a permis de mettre fin à trois années de confusion et de tension. Le Liban vivait une situation de confusion totale, sans président, avec un Parlement bloqué et un gouvernement non reconnu par la majorité des Libanais. Il n'y avait donc pas, du point de vue constitutionnel, des institutions avec lesquelles la Syrie pouvait reprendre ses relations diplomatiques. Lorsque la tempête est passée, le flou dissipé et les Libanais ont pu renouveler leurs institutions représentatives en composant un gouvernement d'union nationale, les relations entre les deux pays ont vite repris sans difficultés. Le problème n'était donc pas au niveau de la Syrie ou de sa politique, mais plutôt dans l'absence pendant une période d'institutions libanaises nécessaires pour le rétablissement et l'entretien de ces relations. Pensez-vous que la Syrie est prête à revoir ses relations stratégiques avec l'Iran ? L'hostilité américaine est due aux positions de la Syrie contre la politique de domination pratiquée par la Maison-Blanche dans la région, à son opposition aux guerres et aux agressions militaires américaines contre plusieurs pays. Quant à ses relations avec l'Iran, elles relèvent de sa souveraineté. Les relations entre la Syrie et l'Iran contribuent grandement au renforcement de la coopération entre les Arabes et l'Iran. Les pays du Golfe le reconnaissaient d'ailleurs. Ils reconnaissent par exemple le rôle de la Syrie et ses relations avec l'Iran dans la fin de la guerre avec l'Irak. La Syrie n'est pas le seul pays arabe à avoir des relations avec l'Iran. Les pays du Golfe ont également des relations avec ce pays. La preuve en est la participation remarquable du président iranien Ahmedinedjad au sommet du Conseil de coopération du Golfe en décembre 2007. Il était entré dans le Conseil, main dans la main, avec le roi saoudien Abdallah. L'Iran n'est pas l'ennemi des Arabes. Leur véritable ennemi est Israël. Et l'Iran les soutient de manière importante et considérable dans leur lutte contre cet ennemi. Damas entre en négociations indirectes avec Tel-Aviv. Dans quel but ? La Syrie a toujours privilégié le dialogue à la force. Elle a toujours été contre les guerres. En s'engageant dans des négociations avec l'Etat hébreu, elle vise à recouvrer ses droits. Autrement dit, l'objectif est de mettre en place une plate-forme commune sur la base de laquelle seraient engagées des négociations directes entre les deux pays. Cette plate-forme commune tiendra compte de toutes les décisions ayant émané des instances internationales compétentes. Parmi ces décisions, le retour aux frontières de 1967 et la reconnaissance comme référence de la rencontre de Madrid. Mais force est de constater que du côté israélien, il n'y a pas de volonté de faire régner la paix dans la région et il n'y a pas de gouvernement fort qui veuille la paix. Pour que ce cycle de négociations réussisse, il faudrait que les Etats-Unis, principal allié d'Israël, contribuent au processus de paix. Ce qu'on ne peut pas attendre de l'administration actuelle qui ne se soucie nullement de la paix dans la région. Pensez-vous que l'arrivée d'un autre Président à la Maison-Blanche va contribuer à l'amélioration de la situation au Proche-Orient ? L'arrivée d'un nouveau Président ne pourrait qu'améliorer la situation dans la région, car il ne peut y avoir de politique plus catastrophique que celle de Bush junior dans la région. Quelle que soit la future composante de l'Administration américaine, elle ne pourrait être pire que l'actuelle. La Maison-Blanche a positivé le rétablissement des relations diplomatiques entre Damas et Beyrouth. Est-ce le début de changement de vision américaine vis-à-vis de la Syrie ? La réaction américaine au sommet entre la Syrie et le Liban est positive. On espère que cela soit traduit réellement sur le terrain et que l'Administration américaine décide de mettre fin au désordre constructif instauré au Liban. Mais cela est loin d'être, à mon avis, un changement de vision politique vis-à-vis de la Syrie. Du moins, il est encore tôt pour en juger. Pourquoi les Arabes sont-ils désunis ? Je ne saurai vous répondre. La Syrie a essayé de redynamiser la solidarité arabe et a toujours cherché à avoir des relations fraternelles et amicales, des positions concertées et des actions coordonnées avec les autres pays arabes. On a dit que les tensions dans les relations avec l'Arabie Saoudite et l'Egypte étaient dues au problème libanais. Maintenant que la Syrie a rétabli ses relations avec le Liban, pourquoi donc les Saoudiens et les Egyptiens s'arc-boutent-ils sur leurs positions et ne font pas de même ?