Un accueil spécial a été réservé à Bashar Al Assad au sommet du lancement de l'Union pour la Méditerranée, en juillet dernier à Paris. Par la suite, le président français et en même temps de l'UE, Nicolas Sarkozy, s'est rendu en visite à Damas. Est-ce la fin de l'isolement pour la Syrie et le début d'un retour silencieux sur la scène régionale et internationale ? Les relations internationales se constituent sur des intérêts partagés. La Syrie, ne dérogeant pas à cette règle, entretient des relations avec son environnement régional et mondial sur la base d'un certain nombre d'intérêts. Le projet du Grand Moyen-Orient, lancé par l'Administration américaine pour renforcer la position de son allié de toujours, Israël, a eu l'appui indirect de l'Europe. Ce projet visait à reconstituer fondamentalement la région en fonction des intérêts américano-israéliens dans cette partie du monde. Des forces politiques s'y sont opposées et l'Etat syrien en a constitué l'épine dorsale. Mais l'Administration américaine a mis la Syrie dans sa ligne de mire. Grâce à son réalisme, la Syrie a fini par remporter la première manche de son duel avec les Etats-Unis qui vivent aujourd'hui l'échec de leur projet. Les Européens ont compris que la Syrie est un élément clé dans la région qu'on ne peut plus ignorer ni écarter. Ils ont alors abandonné l'embarcation américaine qui prend eau et ont décidé de rétablir leurs relations avec la Syrie, non pas par amitié à ce pays, mais par pragmatisme et par nécessité de défendre leurs intérêts dans la région. Car le Français ou l'Européen savent que la Syrie dispose de plus d'une carte à jouer dans la région. De quelles cartes parlez-vous ? Les meilleures cartes lorsqu'on est confronté à un ennemi féroce sont celles du droit à la vie. La politique syrienne est ainsi basée sur le droit des populations de la région à décider de leur avenir. La Syrie a utilisé la carte de la légitimité internationale qui confirme ses droits. Cela, au moment où les Américains feignent d'ignorer le droit des peuples à décider de leur sort. La Syrie qui lutte pour sa survie, pour son peuple, sa culture et son histoire, soutient la résistance en Palestine et en Irak. La réussite de la résistance dans ces pays ne pourrait être qu'un succès pour la politique syrienne. Car les objectifs de l'Etat syrien sont les mêmes que ceux de ces mouvements de résistance, à savoir mettre un terme à la politique de destruction massive mise en œuvre par les Américains dans la région. La Syrie rétablit ses relations diplomatiques avec le Liban. Est-ce la fin de son ingérence dans les affaires libanaises ? Entre la Syrie et le Liban, il n'y a jamais eu de crise ou de conflit. Les Syriens entrent au Liban avec la carte d'identité nationale. Idem pour les Libanais. L'Administration américaine a utilisé certaines factions politiques libanaises pour créer des frictions entre les deux Etats. Ces mêmes factions sont chargées d'accuser la Syrie d'être derrière la crise libanaise. La Syrie ne s'ingère pas dans les affaires internes au Liban. Elle lutte contre toute sorte de colonisation non seulement dans la région mais dans le monde entier. Elle apporte son soutien moral et matériel aux Libanais qui combattent le colonisateur. Il y a donc une convergence de visions sur ce point là entre Syriens et Libanais. Si le Hezbollah change de politique et signe un pacte de paix avec Israël, la Syrie le dénoncera et ne le soutiendra plus jamais. Pourquoi la Syrie s'engage-t-elle dans des négociations indirectes avec Israël ? Israël se fait passer à chaque fois pour l'unique demandeur de paix dans la région. Grâce à cette tactique, il a pu avoir plus d'une fois les pays arabes. La Syrie a compris qu'Israël joue sur ce principe. Ainsi donc, elle a décidé de répondre au moindre appel israélien pour un dialogue de paix. Actuellement, Israël cherche à dialoguer avec la Syrie pour deux raisons. La première est que le gouvernement d'Ehud Olmert est affaibli au plan interne et cherche le moyen de se relever. La deuxième est qu'Israël essaie de se protéger de l'échec du projet américain du Grand Moyen- Orient. La Syrie, de son côté, veut affirmer qu'elle est de ces pays qui revendiquent la paix, la sécurité et la stabilité dans la région. Ces négociations peuvent-elles aboutir à du concret ? Si la Syrie a opté pour des négociations indirectes avec Israël via la Turquie, c'est parce qu'elle veut d'abord tester et vérifier les intentions du gouvernement Olmert. Car, il se peut qu'Israël vise uniquement à exploiter ces négociations pour améliorer sa situation politique interne. Mais si la Syrie constate la moindre bonne intention israélienne d'aller effectivement et réellement vers la paix, elle n'hésitera pas un instant à s'asseoir autour d'une table pour discuter avec Israël. La Syrie est-elle toujours la cible des Etats-Unis ? Lorsqu'on dit que l'Administration américaine a échoué dans la région, cela ne veut aucunement dire qu'elle ne vise plus la Syrie. Tant que ce pays continue à organiser la résistance contre les projets américains et sionistes dans la région, il restera la cible des USA et d'Israël. Et tout pays arabe qui s'opposerait aux projets américains dans la région, sera à son tour visé.