La Syrie, qui faisait la pluie et le beau temps depuis des décennies chez son petit voisin, a dû retirer ses troupes du Liban sous la pression internationale en avril 2005 après y avoir exercé une tutelle de 30 ans. Gelées depuis les années 1940, les relations diplomatiques entre la Syrie et le Liban sont en voie de réchauffement. Le président syrien Bachar al Assad a pris un décret en ce sens. Le texte prévoit notamment l'ouverture d'une ambassade à Beyrouth. Quant au ministre libanais des Affaires étrangères, Faouzi Salloukh, il était attendu hier à Damas pour discuter avec son homologue syrien Walid al Moualem des modalités pratiques de l'établissement des relations entre les deux pays. Le décret du président syrien indique que le ministère des Affaires étrangères (syrien) a reçu instruction d'ouvrir une ambassade à Beyrouth, mais sans préciser la date de cette initiative, encouragée par la France, l'ex-puissance tutélaire du Liban. De source autorisée syrienne, on prévoit que les deux pays échangeront des ambassadeurs avant la fin de l'année. Elle y avait été contrainte par les protestations provoquées par l'assassinat en février 2005 de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri, dans lequel Damas avait été mis en cause. La Syrie a nié toute implication dans l'attentat de ce richissime venu à la politique sur le tard, qui s'était dressé contre la tutelle de Damas. Les autorités syriennes ont démenti toute implication dans cet assassinat. Les relations entre la Syrie et le Liban étaient gouvernées depuis 1991 par un “accord de fraternité” dit accords de Taef, largement favorable à la Syrie, selon les dirigeants libanais hostiles à l'excès d'influence syrienne au Liban. Mais, cette année, un nouvel accord parrainé par l'Arabie saoudite en sa qualité de mandant de la Ligue arabe a remis les pendules à l'heure, Damas s'étant retiré du jeu libanais, du moins officiellement. Puis les choses se sont précipitées et en juillet dernier, le président Bachar al Assad devait congratuler son homologue libanais à Paris sous le regard du président français qui les avait conviés à assister à la fête du 14 juillet. La décision d'ouvrir des ambassades, les premières du genre, depuis leur accession respective à l'indépendance il y a une soixantaine d'années, avait été, par ailleurs, annoncée par Nicolas Sarkozy à l'occasion du sommet constitutif de l'Union pour la Méditerranée, toujours à Paris et la veille du défilé traditionnel des armées françaises, après une rencontre à trois avec le président Assad et son homologue libanais Michel Sleimane. Elle avait été confirmée à la mi-août à Damas lors d'un sommet des présidents syrien et libanais mais sans qu'une date soit précisée. Le ministre français des AE, en visite à Damas quelques jours plus tard, avait déclaré que Damas et Beyrouth échangeraient des ambassadeurs avant fin 2008. L'ouverture de relations diplomatiques ne réglera cependant pas tous les problèmes entre les deux voisins. Le quotidien syrien al-Watan, proche du pouvoir, a averti que l'ambassadeur syrien au Liban devra gérer des dossiers compliqués tels ceux des disparus syriens et libanais, de la délimitation, de la frontière et de la révision de certains accords conclus dans le passé. Tout un programme, surtout avec cette référence au Traité d'amitié qui stipule une “étroite coordination” au niveau politique, économique et en matière de sécurité. Il est critiqué par des membres de la majorité parlementaire anti-syrienne qui jugent que le traité privilégie les intérêts de Damas. Lundi, le président américain George W. Bush a averti la Syrie qu'elle devait respecter la souveraineté du Liban, au moment où le déploiement de troupes syriennes à la frontière libanaise a ravivé l'inquiétude. L'armée libanaise a fait état en septembre du déploiement de 10 000 soldats des forces spéciales syriennes au nord du Liban. Des membres de la majorité parlementaire anti-syrienne du Liban avaient alors évoqué leur crainte d'un retour des forces syriennes dans leur pays, mais le président Sleimane a assuré, après avoir contacté son homologue syrien, que ces mouvements de troupes syriennes visaient “à lutter contre la contrebande”. D. Bouatta