Une laïcité mise à mal. Il y a moins de deux semaines, un délinquant présumé a obtenu un report de son procès à cause du Ramadhan. Non sans raison, les médias et la classe politique se sont levés d'un bloc pour crier à la République en danger, à la laïcité menacée, à l'intégrisme rampant, à l'islamisation de la justice, à la communautarisation de la vie publique… Jack Lang, Fadéla Amara, Jean-Marie Le Pen, dans un sursaut républicain, se retrouvent dans un même élan pour crier au loup. Une symphonie parfaite. Les médias s'offusquaient de cette intrusion de la religion dans l'espace public. A coup d'éditoriaux enflammés, les journaux se sont mis à tirer la sonnette d'alarme, certains allant même jusqu'à parler de lâcheté de l'Etat. Vendredi dernier, tapis rouge, couverture en direct pendant des heures à la télévision (toutes chaînes confondues), la France mise à l'heure de Benoît XVI. Et l'on découvre la laïcité positive. La France aurait-elle vécu pendant tout ce temps dans la laïcité négative ? Sans tomber dans la mauvaise foi, entre un présumé délinquant et un pape, il y a une sacrée différence. Pourtant, oui pourtant, cette lecture de la laïcité à géométrie variable renvoie à des discours idéologiques. Nicolas Sarkozy entend mettre en avant les racines chrétiennes de la France, encouragé par les traditionalistes et les nationalistes qui aimeraient inscrire ces racines dans la Constitution européenne. L'objectif serait de délaisser la laïcité à la française pour se rapprocher du modèle anglo-saxon. Le discours latent est que l'Islam (dans sa version intégriste) se voudrait conquérant et que le christianisme se doit de retrouver sa vitalité pour y faire face, et pourquoi pas prendre des parts de marché. Ce n'est pas une guerre de civilisations mais cela y ressemble beaucoup. Au moment où la France a du mal à justifier sa présence en Afghanistan, cette visite tombe à point pour faire taire les critiques. Dans ces moments, on rappelle que la France est la fille aînée de l'Eglise, qu'elle est chrétienne, principalement chrétienne. Et tant pis si la laïcité en prend un coup. Au nom de l'identité, que certains veulent figer à jamais.