L'ajournement d'un procès d'assises à la demande d'avocats qui invoquaient le Ramadhan a provoqué un grand tollé. Les démentis de la garde des Sceaux et du procureur n'ont pas calmé la polémique. Emballement médiatique et politique. Paris. De notre bureau Coups de gueule des associations, partis politiques et même des éditorialistes. Le parquet général de la cour d'appel de Rennes (Ille-et-Vilaine) a démenti vendredi que le Ramadan ait motivé l'ordonnance de renvoi d'un procès pour braquages qui devait s'ouvrir le 16 septembre à Rennes. Face à la polémique, le procureur général de Rennes, Léonard Bernard de la Gatinais, a apporté un démenti dans la journée : « En aucune façon, le motif du Ramadan n'a été retenu par moi pour ne pas m'opposer à ce renvoi, ce serait totalement contraire à tous les principes républicains de laïcité. Je ne vois pas pourquoi l'institution judiciaire devrait arrêter de juger des personnes de confession musulmane qui observeraient le Ramadhan. » Ses explications n'ont pas convaincu les parties civiles et le monde politique. Fadela Amara, secrétaire d'Etat chargée de la politique de la ville, s'est inquiétée d'un « coup de canif à la République laïque », notant que « le religieux n'a rien à faire dans la justice ». Sa collègue de la Justice, Rachida Dati, souligne que l'ajournement du procès n'est pas dû au Ramadhan : « Ce sont les magistrats du tribunal de cette audience qui ont souhaité le renvoi de cette audience pour qu'elle puisse se dérouler, avec toutes les parties, avec tous les éléments du dossier, avec tous les protagonistes ». La presse s'est saisie de l'affaire et remarque, dans sa grande majorité, une entorse à la laïcité. « Quelle lamentable pitrerie qui fait douter du respect du principe de laïcité de la justice ! Encore heureux que le renvoi d'un procès pour cause de Ramadan ait été démenti avant le coucher du soleil. Abaisser le principe de laïcité reviendrait à encourager une vie publique communautarisée et à déstructurer le lien social autour du service public », s'indigne Hervé Chabaud de l'Union. « Tous les joueurs musulmans de l'équipe de France de football ont ainsi volontairement renoncé au jeûne pour être au meilleur de leur forme lors des prochains matchs de qualification pour la Coupe du monde. Et à ce que l'on sache, la justice des pays musulmans ne cesse pas de fonctionner pendant le Ramadhan ! », s'indigne pour sa part La Charente Libre. SOS-Racisme, MRAP, Parti socialiste, Front national, la condamnation est unanime. L'avocat à l'origine du report ne décolère pas. « Pourquoi cet emballement ? Y a-t-il des audiences à Noël où à la Toussaint qui ne sont pas que je sache des fêtes républicaines ? N'est-il pas d'usage d'obtenir des reports pour cause de fêtes juives ou autres. Y aurait-il des religions plus respectables que d'autres ? », s'interroge Yann Choucq. Pour lui, c'est avant tout une question de concentration. « Pour suivre une audience d'assises sur trois semaines, il faut être en pleine possession de ses moyens. Or ces personnes auraient été dans un état de grande faiblesse physique ». Le directeur de Libération apaise les esprits dans son éditorial. « Contrairement à ce que croient certains de ses partisans et beaucoup de ses adversaires, la laïcité n'est pas une croisade mais un compromis. C'est contre l'intégrisme que la République se raidit et choisit, à juste titre, l'interdiction, comme dans le cas du foulard islamique. Le report d'une audience de justice pour cause de Ramadhan entre-t-il dans cette catégorie ? Ce serait vrai s'il servait de précédent et que soudain le calendrier judiciaire devait se calquer de manière aberrante sur celui des religions. Court-on vraiment ce risque ? On peut en douter. Et d'ailleurs qui le réclame ? » Le procès concerne sept personnes accusées d'une série de braquages commis à Saint-Malo et à Rennes en 2000 et 2001. Il avait déjà été renvoyé une première fois en février dernier à la demande de la défense et des parties civiles : à l'audience, la cour avait découvert la condamnation, pour agression sexuelle contre un témoin principal, d'un gendarme ayant mené l'enquête. Il aura lieu le 19 janvier.