Semroud Rachid est enseignant chercheur à l'Institut national des sciences de la mer. Il répond à nos questions. L'Algérie est-elle touchée par la prolifération des méduses ? Oui et cela depuis plusieurs années déjà pour l'avoir constaté moi-même. Il n'y pas que l'Algérie qui est concernée par ce phénomène, mais l'ensemble du bassin méditerranéen connaît cette prolifération d'après les informations ici et là. Ont-elles sur la côte algérienne un endroit de prédilection ? Non je ne le pense pas. Mes collègues de l'ouest et de l'est du pays en ont parlé à plusieurs occasions, toute la côte semble être infestée par ces méduses, particulièrement pendant l'été, et j'ai pu en observer en abondance dès le mois de mai 2008 à Bou Ismaïl et en novembre 2007 près de Bizerte en Tunisie. Quelles sont les méduses qui fréquentent nos côtes ? A combien sont-elles évaluées ? L'espèce concernée par cette prolifération est Pelagia noctiluca, petite espèce de couleur mauve qui fait partie du zooplancton. Impossible de vous donner un chiffre quant à son évaluation (nombre), mais je pense que cela dépasse plusieurs centaines de millions pour la Méditerranée. Cette espèce forme des cordons d'individus souvent concentrés en essaims dans des zones hydrologiquement actives. A-t-on un système d'alerte ou de protection des méduses ? Non je ne le pense pas, c'est un phénomène assez récent pour nous. A-t-on des chiffres sur le nombre d'estivants ayant subi les piqûres des ces méduses, je ne le crois pas. Donc, je suppose qu'il n'y pas de système d'alerte. Peut-on contrôler la vitesse et la direction des courants pour prédire ? Non. Dans un ouvrage que j'ai lu, je cite : « Plusieurs réunions scientifiques ont bien montré l'importance qu'on lui accorde, autant pour les problèmes médicaux qu'elle pose aux vacanciers que pour les renseignements qu'elle fournit ». (UNEP, 1984). La pollution marine est-elle pour quelque chose ? Ce que je peux ajouter, dans un cours que j'assure en 4e environnement et tout spécialement sur les biocénoses pélagiques, est qu'il est difficile voire impossible de délimiter une biocénose dans la masse d'eau (en mouvement constant) et dire que la pollution serait la cause de la disparition ou la prolifération d'espèces en particulier sans avoir défini précisément cette bicénose, l'exemple de pelagia noctiluca est donné. Dans cette partie de l'explication, il s'agit d'établir la part entre les méfaits dus à la pollution et les variations intrinsèques des animaux dans leur milieu. Voilà pourquoi cet exemple est intéressant. Je cite le paragraphe lu : « On a voulu voir dans ces accumulations une dégradation récente du milieu marin méditerranéen, or les longues suites de travaux consultés signalent tous ce caractère explosif et les phrases des auteurs anciens sont éloquentes : ‘'Par millions autour du bateau ou soupe de méduses''. » « La consultation de ces travaux pour relever dates et lieux de récoltes a fait apparaître une chronologie dans la suite de l'événement méduse pelagia. Ainsi en Méditerranée, on peut faire remonter jusqu'en 1775 la longue série des observations de Pelagia, mais en plus, on constate une agglomération des années avec des séquences très nettes « années à pelagia » et « années sans pelagia ». En l'absence de données dures, les paramètres physiques ou biologiques sur une aussi longue période (2 siècles) sont les paramètres climatiques qui ont été utilisés pour montrer la périodicité du phénomène Pelagia et sa prédiction par des caractères climatiques en début de printemps, dans la période favorable à la reproduction de l'espèce : déficit de pluviosité, période de haute pression et température élevée au-dessus des moyennes saisonnières (GOY et al, 1989a ,b ; Morand et al., 1992).