Le documentaire de Daniel Leconte C'est dur d'être aimé par des cons nous laisse perplexes. En 2005, nous avons applaudi Philippe Val, aujourd'hui nous avons juste l'impression d'avoir été pris pour des cons. Autopsie d'une affaire douteuse. Paris : De notre bureau C'est l'histoire d'une déception, d'une trahison. Même si on a un a priori positif sur le travail du documentariste Daniel Leconte, on a du mal à suivre son film. L'affaire des caricatures danoises a laissé des traces. Le chantre de la liberté d'expression a fini par décevoir. Et en regardant le film, on ne peut s'empêcher de penser à Siné, viré par le même directeur de journal. Deux poids, deux mesures ? En tout cas, très mal à l'aise, difficile d'aller jusqu'au bout des deux heures. Reprenons la chronologie. C'est dur d'être aimé par des cons retrace le procès intenté au directeur de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, Philippe Val, poursuivi pour avoir publié en 2006 des caricatures du prophète Mohamed. L'affaire avait fait grand bruit en France et ailleurs. A l'époque, l'auteur de ces lignes avait pris publiquement fait et cause pour la publication de ces caricatures. Dans le fond, la ligne reste la même. La liberté d'expression ne se négocie pas. Pourtant, il reste un goût amer. Oui, il fallait publier ces caricatures, mais il fallait aussi prendre du recul. A voir aujourd'hui le comportement du directeur de Charlie Hebdo, on est en droit de se poser des questions sur sa démarche. A vendre sur tous les plateaux de télévision l'antisémitisme des jeunes de banlieues (des Arabes, en appuyant sur la syllabe ra), à abuser de raccourcis, Philippe Val s'est aliéné tous les démocrates musulmans. Il y a deux mois, il a viré le libertaire Siné pour « antisémitisme », pour cette phrase : « Jean Sarkozy, digne fils de son paternel et déjà conseiller général UMP est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter. Le parquet (encore lui !) a même demandé sa relaxe ! Il faut dire que le plaignant est Arabe ! Ce n'est pas tout : (Jean Sarkozy) vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d'épouser sa fiancée, juive et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie ce petit ! » . Difficile d'y voir plus qu'une supposée ambition dévorante, mais cela a suffi à Val pour se démettre du trublion. « Je souhaitais dénoncer l'attitude de Jean Sarkozy qui se convertit, selon moi, pour épouser une millionnaire. C'est un mauvais procès qu'on me fait. De toute façon, maintenant, le mec qui dit que je suis un antisémite je lui colle un procès. Cela fait 50 ans que je me bats contre toutes les formes de racisme, je ne peux pas tolérer ce genre d'accusation. C'est une atteinte à la liberté de la presse. Quand on fait des articles contre les musulmans, alors là, ça ne lui pose pas de problème », s'indigne Siné. Anticolonialiste, Siné a été porteur de valises pour le FLN durant la guerre de libération et milite depuis toujours pour la cause palestinienne. On arrive donc à une sorte d'impasse. Depuis l'affaire Siné, on a du mal à voir en Philippe Val un chantre de la liberté. Un ressort s'est cassé, définitivement. Pire, on a l'impression d'avoir été « con ». Et pendant longtemps. Daniel Leconte, pour qui on a beaucoup d'estime, en se mettant du côté de Philippe Val, s'est un peu laissé aller en faisant de son documentaire une ode au patron de Charlie Hebdo. Il s'est plus adressé aux soutiens de ce dernier qu'au spectateur neutre. Il aurait dû aussi laisser l'intellectuel tunisien Abdelwahab Meddeb s'exprimer plus longuement. Tout comme lui, on était assez troublé par la caricature du Prophète avec une bombe en forme de turban. Pas très musulman toute cette affaire…