Combien d'immigrés arriveront en Algérie dans les années à venir ? Combien émigreront vers l'étranger ? Combien d'Algériens quitteront les villes pour les campagnes ? Anticiper et chiffrer les phénomènes migratoires est devenu aujourd'hui une priorité pour savoir quelles politiques adopter dans les années à venir. Kamal Boukhetala, professeur et doyen de la faculté de mathématiques à l'université de Bab Ezzouar, est en train de mettre au point un programme couplant un modèle mathématique – pour évaluer de manière quantitative les flux de migration et un modèle économique – pour évaluer gains et pertes dans l'économie. Cette idée d'une approche de modélisation mathématique du comportement dynamique du flux migratoire a été exposée au colloque international sur « Les flux migratoires sélectifs », en avril dernier à Koléa, organisé par L'Institut maghrébin des douanes et de la fiscalité en coopération avec l'université de Lyon III et animé par le Pr Ali Boukrami. Mais comment appliquer une équation mathématique à un comportement humain ? « Nous nous servons pour cela de fonctions aléatoires qui appartiennent à une classe de processus, appelés markoviens (du célèbre mathématicien Markov) et qui servent justement à prévoir des événements futurs, explique Kamal Boukhetala. Ils sont, par exemple, appliqués dans le cadre d'un réseau de transports urbains pour savoir quel taux de passagers passera par telle ou telle station. » Cette fonction aléatoire dépend de deux paramètres : le temps et le hasard. « Le hasard, qui donne la nature complexe au phénomène, est calculé à partir des lois de la probabilité », précise-t-il. Pour que tous ces calculs soient possibles, il faut aussi en amont que les statistiques soient fiables, car le modèle mathématique n'est qu'un standard que l'on applique à une réalité. « Et si l'écart est trop important entre les deux, cela signifie que les données ne sont pas fiables ou qu'il nous manque une information », ajoute le mathématicien. Le nouveau Conseil national des statistiques, dont je suis membre, va justement tout faire pour mettre en place une banque de données fiables. » Ces taux de transition de la population d'un endroit à un autre sont ensuite représentés sous forme d'une structure matricielle particulière. Cette matrice permet également de déterminer, par transformation, les taux à chaque période d'observation. A cette matrice est enfin couplée une autre matrice coût/gain à court, moyen et long termes, visant à donner une dimension économique au phénomène migratoire. « C'est ce dont a besoin un décideur pour mettre en œuvre sa politique, développe Kamal Boukhetala, prendre une ou plusieurs mesures adéquates qui entraînent à la fois un changement dans le comportement des individus et dans les coûts/gains associés. » La mise en œuvre de ce modèle se fera via un logiciel informatique, dont la réalisation est en cours. « Avec mes étudiants, nous sommes en train de mettre en place les algorithmes pour qu'un programme fasse lui-même les calculs et dégage à la fois la meilleure politique à adopter. Une équipe de recherche pluridisciplinaire pour développer et mettre en œuvre les différents aspects de cette approche est envisagée. »