Mis à part son côté festif, l'Aïd est un évènement qui suscite, chaque année, appréhension et inquiétude chez une majorité de citoyens affectés depuis longtemps par l'érosion du pouvoir d'achat et laminés, cette année, par les dépenses liées à la rentrée scolaire. Une virée du côté des rues commerçantes nous a permis de conclure que les prix des effets vestimentaires ont déjà flambé. En croyant prendre les devants avant le grand rush des derniers jours du Ramadhan, les ménages ont produit l'effet inverse. Une grande affluence qui n'a pas connu de répit depuis la première semaine du mois de jeûne est encore perceptible à Souk Ahras, mais les prix sont restés inexorablement chers. Les chaussures pour enfants et les jeans de qualité moyenne sont respectivement cédés à 800 et 1 000 DA, alors que les ensembles pour les deux sexes oscillent entre 2 000 et 4 000 DA. Les prix des vêtements destinés aux adolescents sont nettement plus élevés, puisque les baskets sont proposés à 4 000 DA, mais peuvent atteindre les 12 000 DA pour les articles d'importation dits « marca » dans le jargon des jeunes.Un fonctionnaire moyen ne lésinera pas sur les mots pour décocher ses flèches sur les faiseurs de décisions politiques. « Eux (en parlant des commis de l'Etat et des députés), ils peuvent se permettre grâce à la rente pétrolière des salaires au-dessus de l'imaginaire des Algériens, s'octroient des crédits sans intérêts et se pavanent dans des voitures dernier cri, alors que le peuple est réduit à une disette chronique ». Propos d'un citoyen faisant partie de ce que l'on appelait, par euphémisme, classe moyenne. Que dire des autres franges vulnérables de la société ? En voici une réponse d'un journalier du quartier populaire de Mezghiche : « J'ai renoncé, depuis belle lurette, aux achats de l'Aïd. Les quatre enfants que j'arrive, à peine, à nourrir, ne peuvent se permettre des habits neufs, ni même ceux étalés à même le sol et vendus à des prix modiques ». Notre interlocuteur interrompra la discussion et partira sans avertir, les larmes aux yeux. Ceux qui se rabattent sur le marché de la fripe qui a connu, à son tour, une légère hausse des prix, sont peut-être mieux lotis en achats, mais ne peuvent en aucun cas réduire à néant le risque des maladies contagieuses de la peau que peuvent transmettre ces vêtement usés et aux origines douteuses. Ces mêmes citoyens seront, encore une fois, mis à rude épreuve pour préparer les gâteaux de l'Aïd et autre mets prévus pour la circonstance.