Le nouveau décret prévoit de répartir en huit lots la trentaine de centres de rétention répartis à travers la France. Une vingtaine d'associations de défense des étrangers se sont réunies mercredi dernier au siège d'Amnesty International France : l'Association des chrétiens pour l'abolition de la torture, le Comité médical pour les exilés et la Ligue des droits de l'homme, Emmaüs, le Gisti (Groupe d'information et de soutien des immigrés), RESF (Réseau éducation sans frontières), l'Anafé (Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers), Terre des hommes France et plusieurs collectifs de sans-papiers. Cette réunion intervient à la suite d'une pétition lancée le 11 septembre pour dénoncer « une mise aux ordres des associations » induite par la publication, le 22 août, du décret du ministre chargé de l'Immigration, Brice Hortefeux, de réformer le dispositif d'aide aux personnes placées dans les centres de rétention administrative (CRA), et l'appel d'offres ministériel qui a suivi le 28 août. Le décret prévoit que n'importe quelle personne morale pourra désormais postuler à cette fonction. Chaque intervenant devra respecter « une stricte neutralité », faute de quoi l'administration pourra résilier le marché sans indemnités. Et si chacun devra « rendre compte à l'administration de la réalisation des prestations, selon une périodicité trimestrielle », les documents ne pourront pas être communiqués « dans le cadre des rapports et communications propres à la personne morale ». Le nouveau décret prévoit de répartir en huit lots la trentaine de centres de rétention répartis à travers la France. Chacun se verra confier à « un » intervenant, qui pourra être une association ou toute autre « personne morale », entreprise, organisme parapublic, national ou local. Jusque-là, seule l'association œcuménique, la Cimade (Comité inter-mouvements d'aide aux évacués, qui se dénomme aujourd'hui Service œcuménique d'entre-aide), assurait depuis début 1985 un « accompagnement social », qui a rapidement évolué vers la défense juridique des retenus. La convention qui la chargeait de cette mission, renouvelée jusqu'alors régulièrement, arrive à échéance fin 2008. Très critique vis-à-vis de la politique d'immigration du gouvernement et des conditions d'enfermement dans les centres de rétention -ses nombreux rapports en attestent-, la Cimade a fini par indisposer. Et Brice Hortefeux a décidé d'en finir avec cette « situation de monopole ». Il n'y a que l'association Forum Réfugiés qui a répondu, à ce jour, à l'appel d'offres du ministre de l'Immigration. Le ministère de l'Immigration a approché plusieurs organisations. Pour nombre d'associations, le gouvernement cherche à démanteler la mission d'aide aux étrangers sous prétexte d'« introduire davantage de diversité » dans les CRA. « L'objectif clair du gouvernement est de convertir les CRA en centres fermés destinés à accueillir tous les migrants dès leur arrivée sur le territoire français : il sera dès lors impossible de formuler toute demande de régularisation en dehors de ces centres. Et, en cas de refus, l'expulsion n'en sera que plus facilement exécutée », note l'historien Gilbert qui rappelle que La Cimade, qui a pour devise « Ici et là-bas solidaires », travaille en partenariat avec plusieurs associations, notamment en Afrique, qui œuvrent à la solidarité sociale, à l'éducation et à la défense des droits de l'homme. « L'évolution historique des vagues migratoires a fait qu'elle s'est de plus en plus vouée en France à l'aide aux étrangers en situation irrégulière », rappelle Gilbert Meynier. « La Cimade a été créée en 1939 à l'initiative de mouvements de jeunesse protestants, au départ, pour secourir les évacués d'Alsace-Lorraine pendant la ‘'drôle de guerre''. Son champ d'activité s'est étendu à l'aide aux réfugiés —espagnols, allemands… — en France et aux juifs pourchassés par le régime de Vichy. Elle a réussi à être présente dans ses camps, comme elle le sera plus tard dans les camps de la guerre de reconquête coloniale à contretemps de 1954-1962, période pendant laquelle elle a plus largement assisté et soutenu les Algériens victimes de cette guerre et luttant pour leur libération », relève encore Gilbert Meynier. Il existe une trentaine de Centres de rétention administrative (CRA). Le nombre de places disponibles en rétention est passé de 739 en 2003, à 1 724 en 2007. Selon les données recueillies par La Cimade, 34 379 personnes ont été, en 2007, retenues de 24 heures à 32 jours, la durée moyenne de rétention s'élevant à plus de 10 jours