La Cimade ne décolère pas. Jusqu'alors seule association habilitée à intervenir dans la trentaine de centres de rétention où sont maintenus les étrangers en situation irrégulière, la Cimade a dénoncé « le démantèlement de la mission d'accompagnement et de défense des droits des étrangers » et une mise en concurrence des associations. Elle devra partager cette mission à partir du mois de juin avec cinq autres associations, selon le résultat de l'appel d'offres publié par le ministère de l'Immigration. La Cimade a obtenu trois des huit « lots » définis par le ministère. Cinq restants sont attribués à l'Association service social familial(Assfam) migrant pour Bobigny et Paris, France Terre d'Asile, l'Ordre de Malte, Forum Réfugiés ceux de Lyon, Marseille et Nice, et le Collectif Respect les CRA d'outre-mer. Cette dernière association, inconnue des acteurs sur le terrain, laisse sceptique. L'association a été créée au lendemain des sifflets contre la Marseillaise au Stade de France, lors du match France-Algérie en 2003. Elle a notamment pour but de « promouvoir le respect dû à l'autorité légitime, et en particulier aux institutions et au président de la République ». Des objectifs bien loin de l'aide aux étrangers sans papiers. Collectif respect ne cache pas sa proximité avec le gouvernement et l'UMP. Frédéric Bard, qui a fondé et géré l'association jusqu'en 2008, est un ancien membre de l'UMP Paris et fut chargé de mission en juin 2008 en République démocratique du Congo pour le ministère de l'Immigration, à l'époque de Brice Hortefeux. Plusieurs membres de son encadrement sont encartés UMP. « On ne peut que s'étonner que la candidature de ce collectif fantôme ait été retenue alors qu'il n'a aucune action connue à destination des étrangers à son actif ni manifestement aucune expertise juridique dans le secteur », affirment les associations de défense des droits de l'homme et des étrangers (l'Anafé, le Gisti, le Mrap, la LDH, le Secours Catholique, le CCFD, le collectif des migrants outre-mer (MOM) et des associations de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane, de Mayotte et de la Réunion. Au total, une trentaine d'associations nationales ou des départements d'outre-mer dénoncent l'attribution de l'aide aux étrangers en centres de rétention (CRA) ultramarins au Collectif Respect. « Le ministère de l'Immigration a été au bout d'une logique contraire à la protection des étrangers : la décision d'aujourd'hui confirme le démantèlement de la mission d'accompagnement et de défense des droits des étrangers en la confiant à 6 associations différentes, éclatées en 8 lots, lancées dans une procédure qui les contraindra nécessairement à se poser en concurrentes les unes aux autres. Dans un tel dispositif, une chose est certaine : le rôle de contrepoids des ONG et la défense des droits des étrangers deviennent quasi-impossibles. C'étaient les objectifs poursuivis par Brice Hortefeux pour pouvoir atteindre ses quotas d'expulsion. Malgré les propos apaisants qu'il tenait lors de sa prise de fonction, Eric Besson montre par sa décision, aujourd'hui, qu'il poursuit à l'identique la voie ouverte par son prédécesseur », s'indigne La Cimade. L'association a décidé de contester en justice la décision du ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale. France Terre d'Asile appelle à « une coordination immédiate des associations missionnées ». Un recours déposé en octobre par la Cimade et neuf autres associations sur le décret du 22 août 2008 sur la réforme de l'aide en CRA, doit être examiné fin avril par le Conseil d'Etat. En 2008, près de 30 000 étrangers ont été reconduits à la frontière, les deux tiers sous la forme d'une expulsion.