Le commandement militaire américain pour l'Afrique (Africom), en passe de devenir pleinement opérationnel mercredi, a pour objectif affiché d'apporter une assistance aux pays africains en matière de sécurité, mais il lui faut encore convaincre les sceptiques de ses bonnes intentions. Auparavant sous la responsabilité de trois différents commandements européen, moyen-oriental et pacifique, les programmes américains de coopération et d'assistance militaire sur le continent africain passeront officiellement à partir de mercredi sous l'égide d'un nouveau commandement unifié, Africom. Cette nouvelle entité, « de concert avec d'autres agences gouvernementales et des partenaires internationaux, vise à promouvoir un environnement africain sûr et stable en soutien de la politique étrangère américaine » et, ainsi, prévenir les conflits, proclame le site Internet d'Africom. Parmi ces programmes figurent la gestion d'une force d'action commune à Djibouti, la lutte contre le terrorisme régional en partenariat avec les nations nord-africaines, la formation de gardes-côtes spécialisés dans la lutte anti-piraterie et les trafics, la professionnalisation des armées africaines et le renforcement des coopérations militaires. La création en 2007 d'Africom, présentée par le président George W. Bush comme une rationalisation de l'assistance américaine en Afrique, se heurte, toutefois, à nombre de détracteurs sur le continent noir comme aux Etats-Unis. Les opposants africains du projet craignent que Washington cherche à étendre sa domination militaire à l'Afrique, à y contrer l'influence économique grandissante de la Chine et à sécuriser son approvisionnement énergétique. D'ici à 2015, un quart des importations pétrolières américaines proviendra du continent noir, en particulier du golfe de Guinée. « Le commandement africain des Etats-Unis n'est rien d'autre qu'un instrument visant à garantir que l'accès de l'industrie pétrolière américaine aux larges réserves énergétiques de l'Afrique. Si quiconque interfère, nous craignons qu'ils soient étiquetés ‘‘terroristes'' et deviennent la cible d'attaques militaires », affirme Mark Fancher, membre de la Conférence américaine des avocats noirs (NCBL). Signe de la méfiance vis-à-vis des intentions réelles de Washington, plusieurs capitales ont refusé d'accueillir le quartier général d'Africom, qui souhaitait à l'origine s'implanter sur le continent et devra pour l'heure opérer depuis Stuttgart, en Allemagne. Soucieuse de rassurer, l'armée américaine jure qu'il n'est pas prévu d'établir de vastes bases en Afrique, seulement d'apporter une assistance militaire aux pays africains. La seule base permanente dont disposent actuellement les Etats-Unis est le camp Lemonier, à Djibouti, où sont stationnés quelque 1800 militaires américains. L'Africom, bientôt fort de 1300 membres à la fois militaires et civils, s'est aussi attiré des critiques aux Etats-Unis où certains dénoncent une tentative de militarisation de la politique étrangère américaine. Selon un rapport de la cour des comptes américaine (GAO) publié en juillet, « le département d'Etat et des responsables de l'Agence pour le développement international s'inquiètent qu'Africom prenne la direction de tous les efforts américains en Afrique et pas seulement des activités du département de la Défense ». Au sein d'Africom, on se défend de toute intention cachée. « Tout ce que nous souhaitons, c'est travailler avec les nations africaines qui veulent mieux protéger leur population, leur territoire et leurs frontières et les aider à atteindre ces objectifs », assure un haut gradé américain, qui espère qu'Africom convaincra par ses actes.