La vie difficile que mènent les Palestiniens les pousse parfois à utiliser le système D qui n'est pas toujours dénué de dangers pouvant être mortels. lorsqu'Israël a imposé le blocus à la bande de Ghaza, le manque de carburant a forcé certains conducteurs à utiliser le gaz butane pour faire rouler leurs véhicules avec tous les risques d'explosion que représente un tel procédé, alors que d'autres ont utilisé l'huile de cuisson pour les moteurs diesel sans se soucier de ce que représentent les gaz d'échappement pour la santé publique. Heureusement, jusqu'à maintenant aucun véhicule n'a explosé, alors que l'huile de cuisson est aujourd'hui beaucoup moins utilisée avec la levée partielle de l'embargo israélien, suite à la conclusion d'une accalmie avec le mouvement Hamas, qui contrôle, à lui seul, la bande de Ghaza depuis le 14 juin 2007, date du coup d'Etat armé contre l'autorité palestinienne et son président Mahmoud Abbas. Mais puisque la levée de l'embargo est partielle et le terminal de Rafah, au sud de la bande de Ghaza, qui permet le passage de personnes et de biens vers l'Egypte, est clos à cause de l'absence du côté palestinien de représentants de l'autorité palestinienne, beaucoup de marchandises manquent sur le marché ghazaoui. Encore une fois, certains citoyens, cette fois les commerçants surtout, ont pensé à un autre moyen d'importer les marchandises manquantes et n'ont pas trouvé mieux que de creuser des tunnels sous la frontière, entre les parties palestinienne et égyptienne de la ville de Rafah. Jadis, du temps de l'occupation directe par l'armée israélienne de la ligne de frontière palestino-égyptienne, ces tunnels, très peu nombreux, utilisés dans la contrebande d'armes au profit de la résistance armée, creusés dans le secret total, sont aujourd'hui devenus si nombreux, au point que les petits enfants de Rafah peuvent vous indiquer leur emplacement et leurs propriétaires. Actuellement, leur nombre est estimé à plus de 350. Ils sont situés sous 8 km de ligne de frontière avec l'Egypte, s'étendant de la mer Méditerranée, à l'ouest, jusqu'au poste frontière égypto-israélien Karm Abou Salem, à l'est. Pour creuser le tunnel, dont le diamètre ne dépasse pas 100 cm, il faut descendre à une profondeur variant de 15 à 27 mètres. Pour déterminer la direction du tunnel à creuser, ils utilisent une simple boussole. Creuser un tunnel, dont l'entrée est généralement dans une des maisons palestiniennes jouxtant la ligne de frontière et la sortie dans une maison égyptienne qui lui fait face de l'autre côté de la frontière, requiert un accord entre deux commerçants des deux côtés qui se partagent les gains de la contrebande. Certains commerçants achètent ces maisons à des prix forts ou prennent leurs propriétaires comme associés au cas où ils refusent de vendre. La réalisation du tunnel peut coûter jusqu'à 100 000 dollars américains et prend deux à trois mois de travail pénible. Creusés avec des moyens primitifs, manuellement, généralement, par de jeunes enfants, dont l'âge est compris entre 12 et 17 ans, ces tunnels – de véritables tombes où les ouvriers manquent d'oxygène et travaillent dans des conditions inhumaines en échange de quelques dollars – ont fait plusieurs victimes. 46 jeunes sont morts dans des conditions effroyables, alors que des dizaines ont été blessés dans des tunnels en cours de réalisation ou au cours de la contrebande de marchandises. Certains portés disparus n'ont jamais été retrouvés. Les accidents sont variables : effondrements, asphyxie par manque d'oxygène ou même incendies et explosions. Les trois dernières victimes, un père et ses deux enfants, sont tombées au cours de l'explosion d'une bonbonne de gaz butane. Les enfants, qui périssent au cours de leur travail, sont qualifiés, péjorativement, de « martyrs des tunnels ». Le nombre total de travailleurs dans le domaine des tunnels est estimé à plus de 5000. Les marchandises qui passent par les tunnels, sont très variées : pièces détachées pour véhicules, carburant, bonbonnes de gaz butane, produits électroménagers, produits alimentaires, vêtements, souliers, cigarettes, tabac pour narguilé, etc. Contre de grosses sommes d'argent certaines personnes ont pu passer clandestinement vers l'un des deux côtés de la frontière. A vrai dire, on parle peu de contrebande d'armes et de narcotiques. Tous ces tunnels sont creusés sous les yeux des gouvernants de la bande de Ghaza, en l'occurrence le gouvernement du mouvement islamiste Hamas, présidé par Ismaïl Haniyeh, qui impose des taxes sur tous les produits de contrebande, ce qui représente un revenu non négligeable pour ne pas dire une véritable mine d'or qui dépasse de loin les 17% des taxes prélevées par l'ancienne autorité, lorsque les marchandises passaient légalement par le terminal de Rafah. Pis encore, les membres hamsaouis, du conseil législatif à Ghaza, se sont réunis pour légiférer des lois régissant ces tunnels qui n'ont rien de légitime. L'une des dernières légiférations est que chaque propriétaire de tunnel est sommé de payer 50 000 dollars à la famille de chaque victime (eddiya). Toutes ces taxes, en plus de la gourmandise des commerçants sans foi ni loi, font que les produits importés par les tunnels sont si chers qu'ils n'ont réglé aucun problème. La population de Ghaza, dont plus de 40% sont au chômage et dont le taux de pauvreté avoisine les 70%, alimente ces tunnels de la mort par des milliers de jeunes sans autre revenu, qui n'ont fait que gonfler les bourses de certains énergumènes qui ne fleurissent qu'aux dépens des autres. Malheureusement pour cette population, il paraît que le commerce des tunnels fait l'affaire de ceux qui contrôlent Ghaza par la force et qui feront tout pour que ce robinet reste ouvert, même au prix de la réunification du pays.