Grand branle-bas de combat depuis près de deux mois dans un des plus vieux quartiers de la ville de Blida, celui de Bécourt, ou plus exactement l'îlot formé du quartier Bécourt et d'une grande partie du boulevard Takarli : la raison est un grand projet de modernisation du tissu urbain en un espace de pas moins de 2 ha. Cependant, les locataires et les propriétaires de logements et commerces ne se sont pas tus en entreprennant des négociations aux fins de cesser l'opération de démolition et d'entamer des discussions au cas par cas. Au départ, 116 logements et 72 commerces devaient faire l'objet de mesures de démolition ; l'opération entamée à la mi-décembre connaîtra des difficultés du fait de l'absence de communication, de compréhension : des résidents et des commerçants s'associeront pour présenter un front uni contre les pouvoirs publics, et ces derniers affirmeront qu'ils se retrouvaient devant 222 ménages à la place de la centaine initiale. Il sera alors question d'indemnités d'éviction selon des critères en vigueur tenant compte de la valeur marchande de l'espace. Prises de court, des familles ont refusé de quitter les lieux, et l'une d'elles exhibera même l'acte d'achat de la maison s'étalant sur plus de 220 m2 et qui date du début de l'occupation coloniale -1834 - et exigeant un dialogue alors avec les autorités : « Les Domaines auraient dû nous refuser l'achat en 1995 si le projet d'éradication du quartier avait existé ! Aujourd'hui, nous exigeons une indemnité d'éviction conséquente parce que l'espace possède une valeur affective du fait de l'assassinat de notre père juste devant la porte il y a dix ans », déclarera en pleurs une des orphelines de cet officier rattrapé par les hordes terroristes. M. Bouabcha, directeur de l'urbanisme au niveau de la wilaya de Blida, se dit conscient des liens affectifs liant certains à l'endroit, mais « l'aménagement du territoire est une obligation pour une ville comme Blida et l'assainissement de ce quartier devenait une urgence au vu des différents trafics qui s'y exerçaient ». Les commerçants seront traités selon leur statut : de locataires à propriétaires, des murs et/ou des fonds avec des délocalisations, des indemnisations et des retours sur site. Là également les commerçants se sont alliés pour définir une politique commune et ce qui devait s'opérer rapidement se trouve aujourd'hui quelque peu ralenti à partir de la prise en main de l'« affaire » par des défenseurs qui ont déposé une plainte contre le wali pour cesser ce qui avait commencé sur les chapeaux de roue. Haut quartier de la résistance pendant la révolution, une de ses parties ne pouvait échapper à sa réputation de bas-fonds, fréquenté par les dépravés de tout bord et dont la ville avait du mal à se défaire. La nouvelle cité issue des plans d'un promoteur étranger sera ce que les gouvernants d'aujourd'hui décideront avec, sans doute, les leçons à tirer de l'opération d'aménagement réalisée pour le quartier de la Remonte et celui de l'ex-hôpital Ducrot, entamée depuis le début des années 1980 et non encore terminée pour l'espace socioculturel.