C'est peut-être un effet de mode, mais le philosophe Karl Marx, auteur du Manifeste communiste, a été bel et bien la star surprise de la célèbre Frankfurter Buchmesse, Foire du livre de Francfort (Allemagne). « Les livres de Marx ne se sont jamais si bien vendus », a déclaré à la presse Jörn Schütrumpf, éditeur allemand. C'est probablement l'effet immédiat du « rouleau compresseur » de la crise financière internationale et des craintes qu'elle suscite. Le besoin de revisiter la pensée de Marx et son œuvre majeure, Das Kapital (Le Capital), redevenue best-seller 141 ans après la publication de la première partie, est vivace. Cela au moins fait « les affaires » de l'éditeur allemand Karl-Dietz Verlag ! Selon l'agence Associated Press (AP), des libraires allemands, à travers tout le pays, ont enregistré au cours des derniers mois des ventes en hausse de 300% pour ce classique de Karl Marx. Si certains experts et politiques remettent en cause les fondements mêmes du capitalisme et effacent d'un trait la fameuse théorie de Franscisco Fukuyama sur « la fin de l'histoire » et « le triomphe du libéralisme », d'autres pensent qu'une relecture du marxisme autorisera peut-être de trouver un chemin salutaire dans le tumulte actuel. C'est un débat qui ne fait que commencer autant que la crise des marchés financiers. Même si des politiques, bien ancrés à droite, comme l'Allemande Angela Merkel, le Français Nicolas Sarkozy, chassent sans rougir dans les terres conquises des socialistes. Les universités américaines connaissent le même engouement pour le théoricien allemand et sa doctrine anticapitaliste. La revue française Courrier international a consacré, il y a quelques semaines, la couverture à ce come-back de Marx et a relevé le grand « pouvoir de séduction » qu'il suscitait auprès des altermondialistes (les opposants à la mondialisation libérale, généralement militants de gauche ou écologistes). Cela sonne déjà l'alerte chez les économistes américains. Même le prix Nobel d'économie 2008 Paul Krugman, réputé hostile à la politique de George W. Bush et au libéralisme sauvage, a averti : « Nous n'allons pas revenir à Karl Marx, mais nous allons redécouvrir des choses qu'avait découvertes le président Franklin Roosevelt il y a 75 ans. Laisser les marchés se débrouiller avait été désastreux dans les années 1930 et nous a de nouveau amenés au bord du désastre. » Le démocrate Roosevelt, qui a dirigé les Etats-Unis après le krach boursier de 1929 et pendant la Seconde Guerre mondiale (entre 1933 et 1945) est le concepteur de la fameuse politique du New Deal relative à l'intervention de l'Etat dans la réforme des marchés financiers et le soutien social aux pauvres à travers l'investissement public. Autre invité de la foire de Francfort, le journaliste italien Roberto Saviano, auteur d'un courageux essai sur la mafia napolitaine Gomorra qui, depuis sa sortie, le menace de mort (un appel est lancé pour qu'il soit « exécuté » avant la fin décembre 2008). Le cinéaste Matteo Garroné, qui a adapté à l'écran ce livre, vendu déjà à plus d'un million d'exemplaires en Italie, et Roberto Saviano ont reçu conjointement le prix 2008 (doté de 10 000 euros) de la foire. Le film Gomorra a obtenu le grand prix du Festival de Cannes en mai dernier. Pour ne pas faillir à la tradition, la Foire de Francfort, plus grande manifestation littéraire du monde qui a célébré ses 60 ans d'existence, a accueilli un pays, la Turquie.