Malgré son audience croissante, Facebook va devoir relever quelques défis délicats dans les prochains mois, car il lui faut maintenant professionnaliser ses structures et convaincre ses investisseurs de sa capacité à générer du « cash ». A première vue, tout va bien pour Facebook : le site de réseaux sociaux de Palo Alto a largement dépassé les 100 millions d'utilisateurs actifs dans le monde, et son audience internationale – qui représente déjà les deux-tiers du total – croît encore plus vite qu'aux Etats-Unis. Une expansion facilitée par la récente politique de « traduction » automatique, qui permet à n'importe quel utilisateur d'obtenir une version, dans sa langue natale, des contenus qui l'intéressent. Autre facteur de croissance, la possibilité offerte à de multiples développeurs d'applications indépendants d'élargir la palette des services en ligne disponibles sur le site lui-même. Résultat, la start-up californienne devrait doubler son chiffre d'affaires cette année et dépasser les 300 millions de dollars. Mais la crise économique sévère qui s'annonce n'épargnera pas les firmes technologiques américaines, même les plus en vue. Et la possibilité d'une entrée en Bourse est maintenant exclue pour au moins 18 mois. En prenant acte, plusieurs cadres importants de Facebook, ne souhaitant plus attendre davantage, ont quitté l'entreprise ces derniers mois, souvent pour aller lancer leur propre start-up. Mark Zuckerberg, le jeune PDG de 23 ans, qui a fondé Facebook, a choisi de les remplacer par des managers expérimentés, quelquefois débauchés de chez Google ou Yahoo, dont les sièges sont proches. Ce faisant, la culture d'une entreprise qui compte aujourd'hui plus de 700 salariés est déjà en train de changer rapidement. Après l'exubérance et l'improvisation qui étaient la règle, Facebook rationalise aujourd'hui davantage ses prises de décisions stratégiques et ses procédures de gestion interne, peut-être pour se préparer à une nouvelle phase d'expansion qui passerait par le lancement de nouveaux services marquants. On parle aujourd'hui d'un site musical, pour concurrencer celui du grand concurrent MySpace, supporté par une ou plusieurs grandes maisons d'édition musicale, voire un ou plusieurs sites de musique en ligne déjà établis et eux-mêmes soutenus par l'industrie. Une « rationalisation » de l'entreprise pourrait également être imposée par les investisseurs – Facebook a déjà reçu près de 500 millions de dollars, dont la moitié de Microsoft – mécontents à la fois de la croissance trop lente du chiffre d'affaires et de l'absence de rentabilité. Dans ce contexte, un clash avec le fondateur, qui ne fait pas mystère de son souci de privilégier la fréquentation au détriment, éventuellement, de la rentabilité, n'est pas impossible. Quoi qu'il en soit, la valorisation actuelle de Facebook n'est plus de 15 milliards, celle que Microsoft avait admise en prenant 1,6% du capital il y a un an. Pour éviter une fuite trop importante de ses cadres, l'entreprise vient d'accepter de leur racheter une partie de leurs actions sur la base d'une valorisation comprise entre 3 et 4 milliards de dollars. A ce prix-là, une acquisition pure et simple pourrait tenter Microsoft ou Google. A.F.P., S. B.