Me Ali Yahia Abdenour, président de la Ligue algérienne de la défense des droits de l'homme (LADDH), écrit une lettre ouverte à des ministres français qui visitent ou visiteront bientôt le pays, dans laquelle il les a interpellés sur la dégradation continue des droits de l'homme en Algérie. Trois ministres, au total, ont été saisis par cette lettre, à savoir Michel Barnier des Affaires étrangères qui est depuis hier à Alger, Mme Allot-Marie de la Défense nationale et Nicolas Sarkozy de l'Economie qui le seront dans les prochains jours. « La liberté d'expression se heurte à une répression, car les écrits acquièrent non seulement une large audience, mais aussi une crédiblité auprès de la population. La France doit dénoncer la répression et se prononcer pour le respect des droits de l'homme », a-t-il écrit, ajoutant que « chaque jour, nous assistons à de nouvelles arrestations, à de nouveaux procès montés de toutes pièces sur la base d'accusations artificielles, à de nouvelles condamnations ». Passant en revue le passé commun entre l'Algérie et la France, et citant au passage la guerre de Libération nationale, le président de la LADDH poursuit : « Quand la prison devient une humeur, c'est que l'Etat se pervertit. Il n'y a pas d'affaire Hafnaoui Ghoul, Mohamed Benchicou ou Ahmed Benaoum du journal Er Raï El Aâm. Il n'y a que l'affaire de la liberté d'expression, mère de toutes les libertés, de la liberté de la presse et de la dignité humaine. » L'avocat voit en ces multiples visites une caution à toute l'injustice opérée par le pouvoir algérien. Ainsi, dira-t-il, « la visite du président Chirac, qui est venu apporter la caution de la France au président Bouteflika, avant la confirmation de sa victoire électorale par le Conseil constitutionnel, a été une faute politique et une erreur ». Pour lui, « le président (...) n'avait pas les apparences démocratiques ». Se référant à la clause qualifiée d'essentielle dans l'Accord d'association avec l'Union européenne et l'Algérie ( article 2), qui soumet l'accord à la condition du respect des droits de l'homme et des principes démocratiques comme fondements des relations entre les deux parties, Me Ali Yahia s'étonne de la position du Quai d'Orsay. « Vous n'avez pas pris le parti des hommes et des femmes courageux qui luttent pour assurer et maintenir la liberté de la presse et dénoncent la violation du droit à la liberté d'expression. Vous ne cherchez ni à voir ni à entendre ce que disent les défenseurs des droits de l'homme », a-t-il souligné dans la missive, en précisant que « le sort fait aux libertés essentielles mérite une mobilisation autour des mesures fortes contre le pouvoir, au lieu des marques d'amitié et de soutien à sa politique, que vous ne cessez de lui prodiguer ». C'est ainsi qu'il critique vertement le gouvernement français qui semble, à ses yeux, être ébloui par les mannes pétrolières et autres intérêts matériels dont il bénéficie, grâce à sa caution au régime en place. Il rappelle, en outre, à ces minitres, que la France est connue pour être une terre de tolérance et de justice. Il leur dit également que « le gouvernement français ne connaît l'Algérie d'en bas qu'à travers les clichés réducteurs et de lourdes incertitudes ». Pour lui, cette Algérie n'attend pas de ce gouvernement des réponses à ses questions, ni des remèdes à ses maux, mais seulement le respect de ses valeurs.