Un tabou est tombé aux Etats-Unis où doit être élu, mardi 4 novembre, le successeur au président sortant, George W. Bush, et il est d'ordre racial, puisqu'au classique choix entre républicains et démocrates, s'est ajouté celui de la race ou plus simplement celui de la couleur de la peau. Ce qui donne, en termes plus généraux, Barack Obama démocrate et Noir contre John Mc Cain blanc et républicain. Et il semble bien placé pour devenir la semaine prochaine le 44e président des Etats-Unis. C'est là et nulle part ailleurs que réside le côté historique de cette élection, parce que pour le reste, les deux candidats parlent en commun de changement. Et les deux récusent bien entendu le bilan de George Bush et s'en servent même en guise de programme. Effectivement, les Américains vont élire leur président, alors que leur pays est engagé dans deux guerres qui semblent sans fin, en Irak et en Afghanistan, et que la crainte d'une récession est plus vive que jamais. Selon le site indépendant RealClearPolitics (RCP) qui établit une moyenne des sondages, le candidat démocrate disposait en fin de semaine d'un avantage de plus de huit points sur son adversaire (50,4% contre 42,4%). Mais les scrutins précédents ont montré que beaucoup d'électeurs se décident la dernière semaine. Dans le système électoral américain, il s'agit moins de gagner le vote populaire que d'engranger au moins 270 des 538 grands électeurs qui composent le collège électoral. L'élection se joue dans une dizaine d'Etats indécis, les « swing States », capables de basculer d'un camp à un autre jusqu'à la dernière minute et de faire la décision. En 2000, George W. Bush a remporté la présidentielle avec moins de voix que son adversaire démocrate, Al Gore, au niveau national. En 2004, l'élection s'est jouée dans un seul Etat, l'Ohio (nord), remporté par M. Bush avec un peu moins de 120.000 voix d'avance sur plus de 5,6 millions de suffrages exprimés. McCain, qui tout long de sa carrière a fait preuve d'une pugnacité hors normes, a promis de se battre jusqu'au mardi 4 novembre, jour du scrutin. « Ne jamais renoncer, ne jamais s'avouer battu », répète à l'envi l'ancien prisonnier de guerre. Il devait concentrer ses derniers efforts sur la Floride, l'Ohio, la Virginie, la Caroline du Nord et la Pennsylvanie. S'il parvenait à remporter ces cinq Etats et à ne pas abandonner à son adversaire trop d'Etats gagnés par M. Bush en 2004, il conserverait une chance d'être élu. M. McCain, 72 ans, n'est jamais aussi combatif que quand il est donné perdant. Avant les primaires républicaines, au cours de l'été 2007, sa campagne était donnée moribonde et la plupart des experts s'attendaient à ce qu'il abandonne la course. Il a finalement terrassé tous ses rivaux, et dès mars 2008, la course à l'investiture républicaine était scellée. Ces derniers jours, le candidat s'est fait l'avocat des petits entrepreneurs ou des Américains qui rêvent de le devenir, dénonçant le programme « socialiste » de son adversaire qui, selon lui, veut « redistribuer les richesses ». Cet argument peut porter dans un pays où la réussite individuelle fait partie de l'imaginaire collectif. Barack Obama, 47 ans, veut s'efforcer de convaincre ses partisans que la partie n'est pas encore gagnée, afin de maintenir la mobilisation. Le démocrate ne cesse de rappeler la mésaventure dont il fut victime durant les primaires démocrates. Donné favori dans le New Hampshire, il avait levé le pied, permettant à sa rivale, Hillary Clinton, de se remettre en selle. La course à l'investiture démocrate avait été relancée et a duré jusqu'en juin. M. Obama, qui affirme vouloir réconcilier les Américains au-delà de leurs différences, a reçu le soutien de personnalités républicaines, comme l'ancien secrétaire d'Etat Colin Powell. Il a décidé de porter le fer dans les derniers jours de campagne dans les mêmes Etats que ceux convoités par M. McCain. Pour cela, le candidat démocrate, qui pourrait devenir le premier Noir à entrer à la Maison-Blanche, dispose d'un trésor de guerre impressionnant, avec 13,4 millions de dollars en banque début octobre. Jamais une campagne présidentielle n'a coûté aussi cher. Elle devrait dépasser le milliard de dollars d'ici le 4 novembre. De généreux donateurs ont décidé de lui faire confiance, malgré le recul des sondeurs qui craignent que l'Amérique ne votera pas pour un Noir. Mais l'élection du 4 novembre est déjà historique pour avoir déjà mobilisé non seulement l'Amérique, mais aussi le monde, ce dernier beaucoup plus par curiosité à l'égard de la société américaine que dans l'attente d'un éventuel changement.