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« A priori il n'y a pas d'opposition à la libération de l'ancien Président »
Moulay Mohamed Ould Laghdaf. Premier ministre du gouvernement issu du putsch du 6 août
Publié dans El Watan le 02 - 11 - 2008

Après les ultimatums lancés par l'Union africaine et l'Union européenne, les Etats-Unis d'Amérique viennent à leur tour de donner un sursis de 30 jours aux responsables du HCE pour rétablir l'ordre constitutionnel en Mauritanie et libérer le Président renversé le 6 août dernier. Quelle est la feuille de route préconisée par le HCE pour épargner au pays les affres d'un embargo économique et d'un isolement diplomatique ?
Je tiens d'abord à remercier El Watan, ce journal de renommée internationale, de m'offrir l'opportunité de m'adresser à l'opinion algérienne qui est très importante pour nous, en Mauritanie. Par rapport à votre interrogation, je pense qu'il faut d'ores et déjà apporter une précision de taille : il ne s'agit pas, de notre point de vue, d'un ultimatum, car cela n'a pas lieu d'être dans le cas de la Mauritanie. Ce qui se fait actuellement entre la Mauritanie et l'UE entre dans le cadre de l'article 96 des accords de Cotonou, qui ont remplacé ceux de Lomé entre l'UE et les pays ACP. Dans le cadre de cet accord de partenariat, le délai fixé pour trouver, à travers les négociations, une solution consensuelle entre deux parties en litige est de 120 jours. Ce qui s'est passé à Paris était la première rencontre. La prochaine rencontre, la seconde, aura lieu à Nouakchott. Ce sont plus des réunions de concertation et de recherche d'un compromis qu'autre chose.
Le gouvernement que vous présidez est appelé à présenter des propositions concrètes et satisfaisantes à l'UE vers le 20 novembre. Quelles seront les nouvelles propositions de votre gouvernement, sachant que l'initiative de tenir des « états généraux de la démocratie » n'est prévue que vers la fin du mois prochain et qu'elle est boycottée d'ores et déjà par les formations contestant le renversement du président Sidi Mohamed Ould Abdallahi ?
Nous croyons que les propositions devront être faites par et pour les Mauritaniens d'abord. Le plus urgent pour nous, et notre avenir en dépend, est d'asseoir les bases solides d'une véritable démocratie pluraliste et concertée. Nous estimons qu'elle doit être le résultat de discussions et de propositions venant de tous les Mauritaniens, quelle que soit leur appartenance partisane. Nous pensons que le principe de se réunir pour discuter de nos problèmes entre nous et dégager les solutions qui nous semblent les plus appropriées est l'essence même de la démocratie. Le gouvernement ne veut pas donner de programme ou de plan préalable. Il veut que ce plan et ce programme soient pris par tous les Mauritaniens dans le cadre des états généraux de la démocratie. Nous appelons tous les Mauritaniens, sans exclusive, à y participer. Nous n'avons pas encore reçu officiellement de réponse négative, malgré les déclarations par voie de presse des uns et des autres.
Le Président renversé sera-t-il libéré comme l'exige la communauté internationale ?
A priori, il n'y a pas d'opposition à la libération de l'ancien Président, indépendamment des positions internationales. Cependant, il est certain que la responsabilité du gouvernement, qui consiste à garantir les conditions de sécurité intérieure et d'ordre public, l'oblige à s'assurer que sa mise en liberté ne lui portera atteinte en aucun cas.
Quelles seront, d'après vous, les répercussions sur le pays d'un éventuel tarissement des financements extérieurs ? La Mauritanie peut-elle se passer de l'appui au développement et des aides humanitaires de la communauté internationale ?
Je pense qu'il ne faut pas devancer les événements. Nous n'en sommes pas encore là et nous croyons que nous trouverons certainement une solution entre nous d'abord et avec nos partenaires ensuite.
Quelles sont les raisons qui fondent, d'après vous, la position inflexible de la junte militaire ? Une telle position ne serait-elle pas suicidaire pour votre pays ?
La position des autorités militaires du pays est dictée d'abord et avant tout par l'intérêt de notre peuple. Cela a été perçu par la majorité écrasante des Mauritaniens, soit directement à travers des manifestations de soutien au changement, soit par l'intermédiaire de leurs élus. Il ne faut pas oublier que plus de trois députés sur quatre l'ont soutenue, de même les sénateurs et la quasi-totalité des maires du pays. La réponse à la volonté internationale, si nous sommes de vrais démocrates, doit être conforme à l'exigence des Mauritaniens. Nous pensons que tout est encore lié à la perception que cette communauté a de ce qui se passe chez nous. Une fois cette incompréhension levée, je suis sûr que les pays frères et amis et les défenseurs de la démocratie dans le monde aideront la Mauritanie et les Mauritaniens.
Quelle réponse votre gouvernement réserve-t-il aux différentes propositions faites par les personnalités de l'opposition ? Que pensez-vous des solutions préconisées par les présidents du FNDD et du RFD ?
Elles sont les bienvenues dans le cadre des Etats généraux de la démocratie. Nous sommes preneurs de toutes les propositions amenées par des Mauritaniens, d'où qu'elles viennent. Tous les sujets y seront discutés et il n'y aura pas de tabou. C'est comme cela que nous les concevons : un espace de concertation, de débat et de confrontation d'idées, mais aussi un cadre de propositions, d'initiatives et de résolution de nos problèmes.
Certains partisans du renversement de l'ex-Président ont fait état d'« un acharnement du gouvernement algérien contre la Mauritanie ». La position ferme adoptée par l'Algérie vis-à-vis du coup d'Etat traduit-elle ce présumé acharnement ?
Ce n'est pas la position officielle du gouvernement. Et nous ne sommes pas au courant du fait que des partisans du changement intervenu le 6 août aient exprimé cette opinion. Pour nous, l'Algérie a toujours été, est et restera un pays frère et ami avec lequel nous partageons l'histoire et la géographie et un allié stratégique pour notre pays et notre peuple.
Pensez-vous que si le président du HCE accédait par la voie d'élections anticipées, la position de la Mauritanie dans le conflit sahraoui évoluerait dans le sens des thèses prônées et défendues par le Maroc ?
Je pense que là aussi nous sommes en train d'anticiper sur les événements. Nous n'en sommes pas là et nous n'avons pas défini qui serait candidat. Comme je l'ai déjà dit, c'est aux Mauritaniens de choisir dans quelles conditions, quand, comment et qui, sera candidat à la présidentielle. C'est à eux aussi que reviendra le choix de celui qui sera le futur président. Par ailleurs, la position de la Mauritanie par rapport à la question du Sahara occidental est connue. C'est une position qui n'a jamais souffert du changement des hommes à la tête de l'Etat et je crois qu'elle ne devra pas l'être.
Corruption, gabegie, viols de la Constitution, blocage des institutions par l'ancien Président ont été avancés par les soutiens du putsch comme motifs justifiant le renversement par l'armée du président Ould Cheikh Abdallahi. Les opposants au putsch mettent en avant les réformes « dérangeantes » amorcées par le Président déposé qui en seraient la cause...
De quelles réformes parle-t-on ? Nous ne connaissons pas de réforme qui ait été menée pour gêner quiconque. Nous sommes par contre sûrs du marasme politique, du blocage des institutions et de l'absence de mécanismes institutionnels indépendants des humeurs ou de la bonne volonté d'une personne et permettant de débloquer la situation. Nous nous sommes rendu compte que notre expérience démocratique et institutionnelle, malgré l'image presque idéale que le monde, par notre faute peut-être, a pu en avoir à travers les médias, a démontré ses limites ; notre attelage démocratique et même institutionnel n'était pas encore au point. Aujourd'hui, nous croyons qu'il est encore temps de s'arrêter un moment pour se mettre d'accord sur un bon départ et pour construire un réel modèle démocratique sur des bases solides car émanant de notre réalité sociale, politique et économique. Il faudra que nos états généraux nous permettent, entre autres, d'arriver à mettre en place les garde-fous nécessaires pour que chacune de nos institutions puisse fonctionner en harmonie avec les autres.


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