Rien n'est perdu », déclare le candidat John McCain, à l'intention de ses partisans comme s'il s'agissait de leur remonter le moral. On les dit particulièrement affectés par tous les sondages qui laissent penser que les jeux sont faits à l'avantage du candidat démocrate. Réponse presque immédiate de ce dernier qui déclare « que rien n'est gagné ». Il s'agit de pousser ses partisans à ne pas relâcher la pression et à ne pas céder à l'euphorie ou à l'excès d'optimisme. Chicago (Etats-Unis). De notre envoyé spécial Qui croire, alors que l'Amérique élit aujourd'hui son 44e président ? Les électeurs américains sont appelés à choisir entre une quinzaine de candidats, mais comme s'il fallait respecter la bonne vieille tradition, seuls deux d'entre eux émergent réellement du lot et ont dominé les debats. Il s'agit du démocrate Barack Obama et du républicain John McCain et dans les deux cas, cette élection est historique. Si, en effet, le premier venait à être élu, un Noir entrera à la Maison-Blanche et à l'inverse, une femme deviendra vice-présidente des Etats-Unis. Le monde entier a le regard fixé sur l'Amérique, attendant davantage ce qui sortira de cette élection, sachant que le bilan du président sortant a quelque peu servi de programme au candidat démocrate, voire aux deux puisque M. McCain a très rapidement pris ses distances avec le président George W. Bush, parlant lui aussi de rupture. Comme un slogan ne constitue pas un programme, les observateurs scrutent cette élection et beaucoup refusent, à titre d'exemple, qu'une éventuelle élection de M. Obama soit une fin en soi. Parce qu'il parle de rupture, il a réussi à canaliser vers son nom des millions d'Américains de toutes les communautés et pas seulement de la sienne. A elles seules, les voix de la communauté noire, évaluée à trente millions, soit 12% de la population totale, ne suffisent pas. Et Obama a entrepris de dépasser ce qui aurait constitué pour lui un vote communautaire. Un handicap. Pour la première fois, les Américains pourraient donner leur voix à un homme jeune et sans passé. Un homme neuf comme il est dit dans de telles circonstances. Tracasseries bureaucratiques ou fraude électorale Il a réussi à attirer vers lui de nombreuses franges de la société américaine qui lui a signé presque un chèque en blanc, bien que son programme demande à être précis. C'est cette adhésion qui est elle- même l'expression d'une certaine lassitude qui a porté Obama vers des sommets. Ce sont-là les chiffres rapportés par les multiples sondages qui ont fini par donner jusqu'à treize points d'écart pour Obama avec 52% d'intentions de vote contre 39% pour Mc Cain. Pourtant, ce dernier s'est montré terriblement serein, peut-être en raison de la prudence des instituts de sondage vis-à-vis de leurs propres statistiques. Et cette assurance a trouvé sa justification dans l'analyse la plus récente, mais aussi la plus sérieuse, selon laquelle l'écart se resserrait. Bien entendu, les deux candidats sont attentifs à ce travail auprès de l'électorat et tous deux prennent les conclusions des sondages avec un certain recul. Dans les deux cas, il s'agit de garder les pieds sur terre et de ne pas relâcher la pression. Ce qui explique cette montée au créneau, ce sont bien entendu les multiples sondages qui finissent sur une certitude. L'écart est en train de se réduire, alors que certains instituts l'ont établi jusqu'à treize points. Ce qui est considérable et même excessif au regard de la troublante sérénité affichée par le candidat républicain. John McCain doit avoir ses raisons liées au fonctionnement du système électoral américain où le dernier mot revient aux grands électeurs et pas aux électeurs ordinaires. En effet, le président des Etats-Unis est élu au suffrage de ces fameux grands électeurs au suffrage indirect. Le vainqueur doit effectivement recueillir 270 voix des grands électeurs dans un collège qui en compte 538 répartis en fonction du poids démographique des Etats. Là, il n'y a pas de majorité relative, c'est tout ou rien, c'est-à-dire que le candidat qui arrive en tête du suffrage, dit populaire dans l'Etat en question, rafle tout. Face à de telles évidences, la campagne électorale a pris l'allure d'un marathon. Les états-majors des deux candidats sont passés à une autre étape marquée par ce que les Américains appellent les élections anticipées, un test grandeur nature puisque ce sont des millions d'Américains qui ont opté pour cette procédure. Et là, remarque-t-on, plus besoin de discours, c'est du coup pour coup, même les plus sournois, sans cependant sortir du cadre de la loi. Cela s'appelle la fraude électorale. Elle existe bel et bien aux Etats-Unis, qui l'eût cru ? Elle prend l'allure de tracasseries bureaucratiques, surtout que les électeurs ont très peu de temps pour voter, qu'ils ont souvent de longues distances à parcourir et que leur situation sociale ne leur permet pas de s'absenter de leur travail. On a eu d'ailleurs l'occasion de voir de longues chaînes devant les bureaux de vote et de constater à quel point il était difficile de voter. Pour cette date, et selon les Etats, les électeurs doivent procéder à de nombreuses élections, la présidentielle en étant l'occasion et, encore plus, l'élément le plus visible. Plus que cela, de nombreux électeurs ne retenaient que la présidentielle et expédiaient les autres scrutins. Faute de temps ou de simple préparation. Et cela peut coûter cher, surtout quand le résultat est serré comme cela a été le cas en 2000 pour le premier mandat de George Bush. Une campagne aux allures de marathon Pourtant, son adversaire, Al Gore, avait remporté le suffrage populaire avec 539 000 voix d'écart, mais il a été déclaré battu au décompte final. Là est l'autre aspect de cette élection, celle-ci nécessitant une armée d'avocats et là, semble-t-il, les républicains sont mieux outillés. Pour éviter cette querelle et le risque d'être dépossédé de sa victoire, celle-ci doit être indiscutable, c'est-à-dire avec un large score et non pas ce chiffre qui dépasse, avec beaucoup de peine, la barre du minimum requis. C'est pourquoi alors la campagne ne connaît aucun temps mort. L'Amérique a beau s'arrêter pour fêter halloween, jusqu' au candidat Obama pour certainement faire comprendre qu'il n'est pas moins américain que d'autres, mais pas la machine électorale. Pourtant, elle était invisible. Tout simplement parce que l'Amérique recourt aux nouvelles technologies. Pas question de permanence électorale, d'affichage classique ou de meetings électoraux avec déplacement de foules, mais plutôt un démarchage individualisé grâce au téléphone, le sms et l'internet. L'objectif est d'aider l'électeur à faire le bon choix en l'orientant bien entendu et s'assurer qu'il ira bien voter. Mais la technologie ne vaut absolument rien sans l'élément humain et là il s'agit de volontaires. De ce point de vue, toute la machine électorale, aussi bien celle des candidats que celle de l'administration, paraît bien huilée. Malgré l'effort de modernisation qui a tout de même coûté la bagatelle de neuf milliards de dollars, il n'est pas exclu que les Américains et le monde d'une manière générale ne connaissent pas ce soir le nom du nouveau président des Etats-Unis. C'est le scénario catastrophe. Le système institutionnel américain a décidément tout prévu. Si la justice n'arrivait pas à trancher, il reviendra au futur Parlement de le faire et là, il n'y aura pas de grands électeurs. Ce sera un homme, une voix et si le Parlement venait lui aussi comme l'indiquent les sondages à être remporté par les démocrates, la suite semble couler de source et avec elle les sueurs froides que cela donne. C'est comme au cinéma, sauf que cette fois, ce n'est pas du cinéma. C'est cela l'Amérique.