Dans l'affaire FAF-Kouba qui a fini par connaître son dénouement après moult tergiversations de l'instance fédérale, la télévision algérienne a fait, bien que tardivement, preuve d'esprit professionnel en invitant à la même table le président de la Fédération sur lequel pesaient tous les soupçons d'une gestion catastrophique de ce litige qui n'aurait jamais dû exister et le vice-président du club koubéen, qui s'est présenté comme victime d'une flagrante injustice et qui avait donc toutes les raisons de tenir le beau rôle suite à la décision prise par le Tribunal arbitral des sports de Lausanne auquel le Raed a eu recours en dernière instance. En fait, on s'est réjoui de voir le service des sports de l'Unique s'impliquer dans une actualité footballistique qui avait tenu en haleine le milieu sportif, de voir surtout les deux parties concernées par le conflit venir s'expliquer en direct devant les téléspectateurs, chacune défendant au mieux ses thèses et ses arguments. Peu importe si le patron de la FAF avait pour lui les circonstances atténuantes et tous les alibis réglementaires pour justifier sa tendance à la temporisation dans le règlement de cette affaire, il s'appuyait sur le fait que l'affaire relevait strictement de la compétence des instances algériennes et que par conséquent Kouba n'avait pas à solliciter l'arbitrage extérieur qui s'apparente, à ses yeux, à une forme d'ingérence. Peu importe aussi si Kouba, qui a expliqué sa démarche par le fait qu'il n'avait pas d'autre solution pour faire rétablir le club dans ses droits, se défendait de vouloir porter préjudice à la crédibilité du football national en optant pour cette procédure. L'important sur le plan de la communication est que la télévision a répondu aux attentes des téléspectateurs en essayant d'aller au fond des choses dans une affaire sportive qui avait pris des proportions considérables. L'Unique a fait, disons-le, pour une fois normalement, du moins selon les règles professionnelles les plus élémentaires, son travail d'information. Mais la question que l'on peut se poser est pourquoi, par exemple, ce qui est valable pour le sport ne l'est plus dès qu'on touche aux choses sérieuses de la politique. Deux cas d'espèce survenus presque simultanément, relevant du secteur de la culture, confirment cette partialité dans le traitement de l'information qui redonne tout de suite à notre télévision nationale la mauvaise image qu'on lui connaît. Il y a eu d'abord la censure par la ministre de la Culture du roman Journal d'un homme libre du journaliste-écrivain Mohamed Benchicou. Alors que ses fidèles admirateurs et bien sûr lecteurs potentiels attendaient de voir ce dernier ouvrage dans les stands du Salon du livre, Khalida Toumi annonce, dans un point de presse, que c'est elle qui a pris la décision d'interdire la parution du livre sous prétexte que celui-ci avait un contenu diffamatoire à l'encontre, entre autres, du ministre de l'Intérieur et que si elle a agi ainsi c'est pour éviter à son auteur de retourner en prison. Une censure littéraire est par essence toujours un événement qui suscite la réflexion, qui ne laisse pas insensibles les intellectuels et la société civile de manière générale, mais quand elle est ignorée à ce point par la télévision d'Etat, elle renforce singulièrement l'idée selon laquelle un pouvoir qui renie ses créateurs n'a plus de repères. Benchicou a publié, sur son site internet, les passages du livre incriminés pour démontrer à l'opinion publique que les accusations portant sur la diffamation ne sont que pure invention. Il a répondu à madame la ministre qu'il ne lui avait rien demandé à propos de sa protection carcérale... Il y a eu ensuite le limogeage du directeur de la Bibliothèque nationale, Amine Zaoui, dont le crime est d'avoir invité, pour une conférence à Alger, le poète syrien Adonis. On ne sait pas si Khalida Toumi a été impliquée directement dans cet acte, mais le fait est significatif sur le danger que font peser sur la culture algérienne de tels agissements alors que l'Etat entretient un discours diamétralement opposé. Là aussi, il est question de création et de créativité. Amine Zaoui paye sûrement aujourd'hui ses propensions à une libre pensée, à une vision plus démocratique de la culture même si elle paraît quelquefois subversive, à une liberté d'expression que les tenants du pouvoir ne pourront jamais accepter. Le sport reste donc une simple soupape de sécurité dans une société complètement submergée par l'autoritarisme de la pensée unique.