Où en est la stratégie de développement de votre secteur ? Il faut souligner d'emblée que c'est à partir de 1999 que le secteur de la pêche s'est doté d'une loi. Le ministère de la Pêche et de l'Aquaculture n'a vu le jour qu'en septembre de la même année. Grâce à l'article 5 de la loi sur la pêche, le secteur est devenu éligible au soutien de l'Etat. Pour cela, nous avons donc élaboré le schéma national de développement. Une stratégie de développement à long terme, à l'horizon 2020, ainsi que le plan de développement à moyen et à court termes, de 2003 à 2007. Ce dernier a pour objectif l'augmentation de la production qui tournait au tour de 120 000 t. Il fallait l'augmenter selon les potentialités naturelles à raison de 280 000 t d'ici à l'horizon 2007. La création de l'emploi figure également comme un élément clé dans notre plan de développement, surtout qu'un emploi en mer en crée cinq à terre. En sus, il y a eu la nécessité d'améliorer le ratio de consommation, qui reste jusque-là en deçà du seuil minimal préconisé par l'Organisation mondiale de la santé. Il est actuellement de 5,2 kg/an/habitant. Le seuil minimum recommandé est de 6,2 kg/an/hab. Le ratio de consommation était, avant la création du ministère, de 3,2 kg. Nous nous sommes fixé comme objectif d'atteindre, à l'horizon 2007, au moins le seuil minimum recommandé. Pour ce faire, nous sommes en train de s'échiner à prendre en charge en premier lieu l'outil de production qu'est le bateau. Justement, la flottille doit être très vieille... La flottille a une moyenne d'âge de 25 ans. Il fallait bien la moderniser. Ce qui nécessite, entre autres, la formation de la main-d'œuvre. Nous avons établi une carte de formation. Le secteur a été doté de six écoles de formation à Oran, à Cherchell, à El Kala et à Annaba. Nous avons fait une évaluation qualitative et quantitative pour savoir combien de bateaux existent et quel est le nombre de personnel qui peut monter à bord. Nous avons déterminé nos besoins et les profils demandés. Il s'est avéré que nous avons plus besoin des profils de spécialisation. Profils qui doivent être assurés par les ministères de la Formation et de l'Enseignement professionnels et de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. D'autres profils sont pris en charge par le ministère des Transports. L'ESN de Bou Ismaïl est en train de former des capitaines et des lieutenants de pêche. Pourquoi ? Parce que la pêche algérienne a été tout le temps une pêche côtière, souvent artisanale. A l'aide de petits bateaux qui n'arrivent guère à une longueur de 25 m. La ressource existe sur les 9,5 milliards d'hectares des eaux sous la juridiction nationale. Il fallait bien exploiter tout le champ qui nous appartient en recourant à la pêche au large et à la grande pêche. Surtout que la ressource demeure sous-exploitée. Il faut aussi aller vers la pêche hauturière qui nécessite l'injection de bateaux de plus de 25 m de long. Le personnel qui montera à bord devra dispenser d'une bonne formation. Ainsi, des bacheliers sont en train de suivre leur formation au niveau de l'ESN de Bou Ismaïl. Qu'en est-il de l'argent du plan de relance économique ? Le plan de relance économique, qui a fait bénéficier notre secteur de 9 milliards de dinars, est en cours d'achèvement. Nous avons eu jusque-là 2900 dossiers traités et acceptés qui pouvaient s'inscrire dans la stratégie de développement. Il y a 565 projets qui ont été subventionnés dans ce cadre. Ces projets auront un impact sur l'augmentation de la production à hauteur de 75 000 t supplémentaires entre pêche maritime et aquaculture. Ils génèrent 30 000 emplois directs et indirects. Il y a ceux qui sont déjà achevés, qui sont en cours de réalisation et ceux qui sont en cours de montage financier au niveau de la BADR. Les projets du Sud, nous les soutenons à hauteur de 80%. Vous avez lancé une opération d'aide à l'emploi de jeunes. Pouvez-vous nous faire son bilan des mois après sa mis en œuvre ? Nous avons octroyé des petites embarcations pour 1700 familles au niveau national. Tout le monde est d'accord qu'il y a une ressource qui est disponible. Pour une meilleure exploitation, il fallait renouveler les infrastructures portuaires, à savoir les ports, les abris de pêche et les plages d'échouage. Ces dernières se trouvent essentiellement dans des zones enclavées. Outre cela, il fallait penser à l'écoulement de la production. Nous avons donc projeté des nouveaux ports parce que l'état actuel des infrastructures portuaires est loin de répondre aux besoins du secteur. Il y a des ports qui nécessitent des réaménagements, tel celui de Zemmouri pour améliorer la face d'entrée. Les travaux sont déjà en cours. Cela permettra d'accueillir des unités semi-industrielles, des bateaux dont la longueur est comprise entre 25 et 30 m. Nous sommes en train de réaménager également les ports de Cherchell et de Stora (Skikda) de telle sorte qu'ils soient spécialisés dans la pêche hauturière. Il y a aussi l'opération de réalisation des abris de pêche à Beni Haoua et à Chlef qui est en cours. Nous comptons construire aussi deux nouveaux ports à Ghazaouet et à Annaba. Aussi, nous allons construire un second port à Béjaïa tout en réaménageant l'ancien. Dans votre politique de développement, vous avez accordé beaucoup d'importance à l'aquaculture. Pourquoi ? L'aquaculture est une activité naissante. Elle a eu son lancement par des alevins de poisson dans des barrages et des retenues collinaires. Mais il n'y a pas eu une véritable industrie d'aquaculture. Elle est de plusieurs sortes. Il y a l'aquaculture en mer ouverte, à l'intérieur et au sud du pays. Mais même si on augmente le nombre de bateaux pour exploiter à bon escient la ressource et que la population continue de s'accroître, le ratio de consommation va rechuter. Si on dépasse le stock pêchable, on va surexploiter la ressource. Cela se répercutera plus tard négativement et sera traduit par une chute du ratio. Il fallait donc susciter une activité complémentaire à la pêche maritime. Ce qui nous a amenés à planifier la réalisation de projets d'aquaculture. Beaucoup de projets ont été soutenus depuis. A Azeffoun, il y a un projet qui a été réalisé pour l'élevage du loup et de la dorade avec une écloserie d'alevins de 10 millions. C'est-à-dire grâce à ce projet, nous n'importerons plus d'alevins. Des projets pour l'élevage en cage flottante sont en cours de réalisation à Oran et à Aïn Témouchent. Nous voulons arriver à une industrie aquacole. Une autre écloserie d'alevins verra bientôt le jour à Ouargla, plus exactement dans la commune de Hassi Benabdallah. Sa production initiale est estimée à 1500 t/an. Et dans notre plan de développement, nous avons fixé l'objectif d'atteindre 25 000 t/an dans le domaine de l'aquaculture. C'est réalisable. Qu'en est-il du partenariat étranger ? D'abord, je tiens à dire que dans mon département, nous sommes convaincus que le développement du secteur ne pourra pas se faire sans le partenariat. Ainsi, nous avons établi des liens de coopération avec la Tunisie, l'Espagne et l'Italie. Nous travaillons également en partenariat avec certains pays asiatiques, tel le Japon. Nous avons signé plusieurs accords cadres de coopération. Le plus important a été concrétisé avec les Espagnols. Nous avons pu réaliser deux campagnes d'évaluation des ressources halieutiques grâce à un bureau d'études espagnol spécialisé en la matière. Elles ont été faites à titre de don par la partie espagnole. Nous avons pu également constituer des sociétés mixtes algéro-espagnoles. Dernièrement, un expert espagnol a été placé au ministère pour étudier notre plan de développement et s'enquérir de la situation du secteur et de nos potentialités afin de réunir les éléments persuasifs pour attirer les investisseurs espagnols à entrer en partenariat avec des sociétés de pêcheurs nationales. Nous avons en outre reçu un expert japonais en mars dernier. Celui-ci a visité nos structures de formation et constaté plusieurs carences. Il nous a recommandé à cet effet de mettre à niveau nos équipements didactiques. Le projet est en cours. Nous allons recevoir en sus de nouveaux équipements de la partie japonaise pour un montant de 5 millions de dollars. Lors de la visite du président de la République au Japon, j'étais dans la délégation et j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec mon homologue japonais sur les axes de la coopération que nous comptons mettre en place pour permettre aux professionnels des deux pays d'établir des partenariats fluctuants et participer au développement de l'activité. Nous nous sommes entendus sur la nécessité d'échanger des visites d'experts et d'encourager la coopération dans le domaine de la recherche halieutique dont nous avons vraiment besoin. La Chambre nationale de pêche et les organisations patronales peuvent maintenant se rencontrer pour étudier leurs possibilités de coopération. Du côté officiel, les deux pays se sont mis d'accord pour assurer toutes les facilités possibles pour encourager ce genre de partenariat. L'accord cadre de coopération est en préparation et sera soumis bientôt à la partie japonaise qui l'étudiera.