Les produits de la mer restent hors de portée du citoyen algérien. Le ministre de la Pêche et de l'Aquaculture, Smaïl Mimoune, a bien voulu dans cet entretien revenir sur cette question et sur bien d'autres dossiers qui concernent son secteur. Quel est l'état des lieux de votre secteur, notamment après la réalisation des projets dans le cadre du plan de relance économique ? Notre secteur se base sur deux locomotives : la pêche maritime et l'aquaculture. Nous avons commencé d'abord par évaluer la ressource et connaître nos possibilités de développement en matière d'aquaculture. Concernant la pêche maritime, nous avons lancé une campagne d'évaluation de la ressource halieutique dans le cadre de la coopération algéro-espagnole et à travers laquelle nous avons connu nos stocks halieutiques dans les 9,5 millions d'hectares sous juridiction nationale. Cette étude s'est soldée par la réalisation d'une cartographie qui a été attribuée aux professionnels pour exploiter la ressource sur des bases scientifiques. Pour l'aquaculture, nous avons réalisé une étude pour déterminer les sites potentiels pour cette activité. Elle a été menée par un bureau d'études allemand. Pour ce qui est de l'investissement, au titre du premier plan de relance économique, nous avons soutenu les opérateurs économiques. 539 projets ont été réalisés avec le soutien de l'Etat. Cela a consisté essentiellement en bateaux de pêche, l'un de nos objectifs étant la modernisation de la flottille. Il y a eu aussi des projets en aquaculture. Il y a des mesures de soutien à l'outil de production mais aussi à la production tels les complexes de chaîne du froid et les unités de transformation. Les professionnels du secteur se plaignent de beaucoup de difficultés liées notamment à la bureaucratie administrative. N'est-ce pas là l'une des raisons à l'origine du désinvestissement dans le secteur ? Les portes du ministère sont ouvertes. Pour faciliter le contact entre les investisseurs et l'administration, nous avons créé des commissions locales. Mais cela ne veut pas dire que tous les dossiers qui ont l'avis favorable d'une commission locale seront automatiquement acceptés par la commission nationale. Celle-ci traite d'abord selon la disponibilité des moyens financiers. L'enveloppe financière est limitée. Il faut aussi respecter l'équilibre régional. Il était question à un moment donné de la création d'un instrument de financement. Où en est ce projet ? Ce projet n'est pas en encore à l'ordre du jour. Mais la BADR a décidé lors de la réunion de son conseil d'administration de mettre en place le département pêche au même titre que l'agriculture. C'est-à-dire que le crédit destiné au secteur de la pêche est domicilié à la BADR. Comment expliquer le fait que les prix des produits de la mer restent toujours hors de portée des citoyens ? Nous menons actuellement une politique de développement du secteur. Les mécanismes incitatifs à l'investissement visent justement à attirer les investisseurs. Cela devrait avoir des répercussions positives sur le prix du poisson. Il y a aussi l'aquaculture qu'on va développer. Pour la ressource maritime, il y a un stock qu'on ne doit pas dépasser pour ne pas tomber dans la surexploitation. La population continue à s'accroître. On ne pourra jamais atteindre le ratio de consommation recommandé, car le stock à pêcher est fixe et la population s'accroît. Il faut donc chercher une autre source de production du poisson. La tendance va vers l'aquaculture. Nous n'avons pas encore de problèmes de disponibilité de la ressource actuellement en Algérie. Notre seuil est de 200 000 t par an et nous sommes à 137 000 t. Mais dès maintenant il faut qu'on pense à une activité complémentaire qui est l'aquaculture. Nous avons mis en place des projets d'investissement à travers le privé. Tout ceci devrait avoir un impact positif sur la production et les prix. Nous allons donc vers une amélioration de la production... Le secteur est encore jeune. Il a été érigé en département ministériel fin 1999. Il a commencé d'abord par avoir un encadrement juridique pour bien organiser l'activité. Ensuite, nous nous sommes intéressés à l'investissement. Nous avons élaboré une carte de formation qui a été discutée en conseil de gouvernement. Nous sommes en train de la mettre en œuvre. Nous avons évalué nos besoins en matière de spécialistes. Tous ce qui n'est pas dispensé par les écoles existantes actuellement nous l'avons inséré dans la formation professionnelle. Nous avons d'ailleurs signé une convention avec le ministère de tutelle. Nous avons aussi une convention avec le ministère de l'Enseignement supérieur. Nous avons lancé la formation de lieutenant de pêche, capitaine de pêche et patron de pêche. Avant la création de ce ministère, la pêche algérienne a été artisanale, côtière. Les eaux sous juridiction algérienne n'étaient pas assez exploitées. Nous avons soutenu des opérateurs pour aller pêcher au large. Le personnel formé aura donc à encadrer cette activité. Nous venons de signer une convention avec le Japon pour la modernisation de nos équipements, des ateliers et laboratoires de notre appareil de formation. Nous avons eu un don de 4,3 millions d'euros de la partie japonaise pour l'acquisition d'un bateau école et d'autres équipements. A combien sont estimés les besoins de la population en consommation de produits de la mer ? Nous allons lancer une étude pour connaître les besoins de la population en matière de consommation, toutes espèces confondues. Il y a le seuil minimum de 6,2 kg par an fixé par l'Organisation mondiale de la santé. Elle est prévue au titre du budget pour 2006. Quelle est la valeur de la production et quelle est la contribution du secteur au PIB ? La production nationale était à fin 2004 à 137 000 t. Pour ce qui est de la contribution du secteur au PIB, nous n'en sommes pas encore là. Actuellement, nous visons le développement du secteur. Il y a encore beaucoup à faire. Nous avons toutefois constaté une évolution car, avant 1999, la production oscillait entre 80 000 t et 100 000t par an. Dans le domaine de la pêche maritime, il faut encore acquérir des bateaux pour exploiter la ressource. Nous allons aussi mettre le paquet sur l'aquaculture. Nous avons réalisé une étude qui nous a permis d'identifier 286 sites. Nous avons un projet de complexe au Sahara qui devrait être réceptionné fin 2006. Nous voulons arriver à une véritable industrie aquacole avec notamment des unités de transformation. Est-il vrai que des opérateurs algériens procèdent à la vente directe en haute mer des produits de la pêche maritime ? On n'en a pas vu mais le contrôle en mer pour le respect de la réglementation relève des gardes- côtes. Ce que je peux dire, c'est que les crevettiers préfèrent exporter leurs produits au lieu de les vendre sur le marché local. C'est le privé et le libre marché. Quel est le chiffre d'affaires du secteur de la pêche ? A fin 2004, il était autour de 28 milliards de dinars. Vous avez déclaré que l'exploitation du corail sera à nouveau ouverte. Où en êtes-vous sur ce dossier ? Pour ce qui est du corail, nous avons lancé une étude avec un groupement français, qui est en fait un bureau d'études lié au CNRS (centre national de recherche scientifique), pour l'évaluation des ressources corallifères. Le contrat a été signé le 13 septembre 2005 pour un montant de 190 millions de dinars et pour une durée de 17 mois. Dès que l'étude sera terminée, elle sera concrétisée par l'évaluation des cartes. La cartographie va montrer la répartition géographique et la densité par zone. Elle va nous permettre d'élaborer un plan d'aménagement et de gestion de la ressource pour un développement durable. A chaque fois qu'une zone est exploitée, on fermera les autres pour que la ressource puisse se régénérer. Que prévoyez-vous en matière d'infrastructures, notamment les ports de pêche ? Nous avons un plan de développement des infrastructures portuaires que nous avons transmis au ministère des Travaux publics. Certaines infrastructures seront prises en charge dans le cadre du budget 2006, 2007 et 2008 à l'image du nouveau port de Béjaïa et à Oran. Il y a celui de Zemmouri qui sera réaménagé. Au niveau des zones enclavées, nous allons réaliser 29 plages d'échouage pour l'exploitation des petits métiers. Est-ce que la gestion des ces infrastructures sera ouverte aux investisseurs privés ou étrangers ? La gestion des ports relève de la marine marchande qui elle-même est sous tutelle du ministère des Transports qui en train d'initier un texte de loi pour revoir les modalités de gestion des espaces portuaires afin d'avoir une nouvelle vision sur l'autorité portuaire. Qu'est-il pour les pêcheries ? Nous allons réaliser des halles à marée pour la vente de poisson au niveau du port. Elles permettront de contrôler les quantités qui ont été débarquées. Il y aura aussi le contrôle de la qualité puisqu'il y aura un vétérinaire sur place. On pourra aussi éviter l'évasion fiscale. Il y aura 12 halles à marée qui sont inscrites au programme de développement à Tlemcen, Mostaganem, Chlef, Tipaza, Boumerdès, Tizi Ouzou, Béjaïa, Jijel et Skikda. Elles seront réalisées par l'Etat, mais il y aura des appels d'offres ou des mises en adjudication pour leur gestion. Les halles à marée qui existent déjà seront retapées. Quels sont les projets prévus dans le cadre du plan de consolidation à la croissance économique ? Il y a le schéma national pour le développement des activités de pêche et d'aquaculture. Il y a aussi l'étude sur les besoins de la population en matière de consommation des produits de la pêche. Nous prévoyons également une étude importante. Il s'agit du plan de l'aménagement et de la gestion des ressources halieutiques. Nous savons maintenant quels sont nos stocks, il faut penser à les gérer. Cette étude sera lancée en 2006. Notre secteur a bénéficié de 12 milliards de dinars.