Le Bon usage, Grevisse, Larousse, Robert ou encore Dubois et Lagane doivent revoir « leurs copies », car ils perdent leur latin pour ne pas dire leur français. Et pour cause ! En Algérie, leur grammaire et autre orthographe sont malmenées en faisant fi des règles. Il s'agit d'une écriture jurant avec la syntaxe de Port Royal. Les enseignes estampillant les établissements, boutiques, lieux publics, locaux.... Une « cacophonie » hilarante orthographiquement, phonétiquement et syntagmatiquement parlant. Un hiatus décortiqué par notre confrère et chroniqueur du Soir d'Algérie, Hakim Laâlam, qui n'est plus à présenter. Celui qu'on affuble, sympathiquement, de « Fumeur de thé », a eu la géniale idée de répertorier les perles des constructions agrammaticales des enseignes algérianisées pour ne pas dire « customisées », et ce dans un ouvrage intitulé justement Enseignes en folie, paru aux éditions Chihab. Un bêtisier cursif immortalisé — même si Hakim Laâlam n'affectionne guère ce verbe — par une centaines d'instantanés, sans jeu de mots, épinglant ces enseignes fautives. Hakim Laâlam le reconnaît. Il s'est essayé à un exercice de style qu'il ne maîtrise pas, la prise de photo. Cependant, il fallait décrier la teneur de ces enseignes peu reluisantes, pas du tout « lumineuses » et plutôt « illuminées », car vraiment démentielles ! Hakim Laâlam dévoile l'ampleur des dégâts de l'école algérienne. Un échec patent ! Des fautes officiellement tolérées sur les enseignes dépassant tout entendement grammatical, sous aucun contrôle et dans une permissivité déconcertante. Parmi ces perles, l'on décelle l'affranchissement des auteurs de ses enseignes quant à l'accord sujet verbe, nom adjectif, interférences concernant les noms communs et propres, majuscule minuscule, la marque du pluriel, le participe passé et l'infinitif, les faux amis, méprise entre la voyelle e et i.. .A titre illustratif, des enseignes exhibant leur propre grammaire : (Poisson congeler, Menuisier batiment geniral, le Roi du Dind, Pizza americainne, Lumier du jour, Marcerie, Soyez prudent, Telephone Fix, Miroire et vitre, Salle familial, Vulganisateur...). Bref, une tolérance syntaxique clouant ses enseignes. « Ce n'est pas un beau livre. Juste un recueil d'instantanés lisibles dans leur risibilité. Jamais je n'ai eu la prétention moralisatrice d'apporter des corrections, celles d'un juge que je suis pas. Je n'appelle pas à ‘'corriger'' ces erreurs qui polluent à leur manière un espace public, notre espace. Je les donne à voir, tout simplement. Si leur lecture vous arrache un moment de détente, de non prise de tête, alors ces trois dernières années passées avec l'appareil photo en bandoulière à arpenter nos rues pour fixer ces ‘'enseignes en folie'' n'auront pas été gâchées... Aux linguistes, sociologues, psychologues et parfois psychiatres de se pencher sur ces “enseignes en folie... Ils disposent à présent d'un matériau, sous forme de clichés pris sur le vif... », a présenté Hakim Laâlam. Un ouvrage sur la « bêtise urbaine ». Ce qui est sûr, c'est que ces écriteaux, enseignent et renseignent sur l'esperanto algérianisé, ses néologismes et autres barbarismes. Ce n'est pas la faute à Voltaire ! Enseignes en folie/Hakim Laâlam 104 pages Chihab éditions/octobre 2008