C'est du jamais vu au marché Bettou du boulevard Belouizdad : le prix de l'œuf flirte allègrement avec les 12 DA, et celui du poulet est monté encore d'un cran pour atteindre les 310 DA le kilo. A quelques dinars près, les prix de ces produits de large consommation ont connu la même courbe ascendante au marché Boumezou, situé à la place du 1er Novembre. Un effet d'entraînement qui n'a pas manqué d'ébranler le pouvoir d'achat des habitués des lieux où la ménagère semble, toutefois, trouver son compte. L'inquiétude va grandissant chez les chefs de famille, qui s'interrogent, sans trouver de réponses plausibles aux raisons de ce dérèglement d'un marché habituellement soumis à de faibles fluctuations des prix. En aval de ce business, et plus particulièrement au dernier maillon de la chaîne, les revendeurs interrogés prétendent ne prendre que leur marge habituelle qui s'élèverait, d'après eux, à 0,50 DA pour l'œuf et 10 DA, voire 15 DA pour le kilo de poulet. A partir de ce postulat, ils n'hésitent pas à pointer le doigt sur les intervenants, campés en amont de la chaîne, notamment les producteurs responsables, selon eux, de cette montée exponentielle des prix de ces produits. Face aux allégations des revendeurs, Nourredine Bouabellou, vice-président de l'association des agriculteurs de la wilaya de Constantine et ex-aviculteur, tient à émettre une vive protestation, expliquant, pour sa part, que le nœud du problème se situe plutôt au niveau des intermédiaires, et plus précisément à celui des tueries où les opérateurs exerçant dans ce créneau feraient la pluie et le beau temps en s'adjugeant, au passage, de très grosses marges bénéficiaires, et ce au mépris des pratiques commerciales régissant habituellement ce marché. S'agissant des aviculteurs, notre interlocuteur tient à préciser que près de 80 % d'entre eux ont mis d'ores et déjà la clé sous le paillasson en raison des charges importantes pesant sur eux, en particulier le prix des aliments écoulés par l'office national de l'alimentation pour bétail (Onab) et des produits vétérinaires, aussi indispensables les uns que les autres pour assurer la pérennité du cheptel des poules pondeuses, des poulets de chair et de la dinde. Résultat des courses, un fossé de plus en plus profond s'est creusé entre l'offre et la demande dans un marché où aucune règle n'est respectée. Et, comme c'est la coutume en pareilles circonstances, les spéculateurs de tout poil se sont engouffrés dans cette brèche pour s'en mettre plein les poches. A la direction des services agricoles (DSA), on ne comprend pas les prises de position des producteurs qui auraient bénéficié, dans le cadre de la loi complémentaire des finances, d'une exonération de la TVA (laquelle s'élève à 17 %, d'après cette source) sur l'achat des poussins, des poules pondeuses, des dindonneaux, des aliments du cheptel et autres produits vétérinaires. En tout état de cause, cette mesure n'a pas eu les effets escomptés sur « un terrain miné par les lourdeurs administratives et un système bancaire grippé par la bureaucratie et la mauvaise foi », selon le vice- président de l'association des agriculteurs.