Terrorisme, catastrophes naturelles, accidents de la circulation, conflits familiaux, agressions en tout genre... la violence prend des formes multiples et, lorsqu'elle s'exprime, bouleverse la vie des victimes. Ces dernières face à l'acte de violence se voient projetées de manière tragique dans une nouvelle configuration, un nouveau schéma de vie qui ne sont pas sans conséquence sur leur santé mentale. Devenue un terreau pour l'expression des violences, l'Algérie a vu défiler différentes manifestations de brutalité charriant des milliers de victimes tel un lot de souffrance qui a écorché vive une société en mal de repères affectifs et de protection. Pour répondre à la problématique de prise en charge du traumatisme, un congrès international sur le thème « Psycho-trauma : soins, expertise et accueil » organisé par le service de médecine légale du CHU de Bab El Oued et le service de psychiatrie médico-légale de Blida, se tient depuis hier au Centre international de presse. « En sus du traumatisme lié à l'acte de violence, les victimes s'enlisent dans le labyrinthe juridico- administratif à la recherche d'une indemnisation », note le docteur Boussayoud dans son intervention sur l'accompagnement des victimes de violences. Ce dernier estime que la prise en charge de la victime doit se faire à chaque étape du traumatisme, à commencer par les équipes de secours, le médecin légiste, les services de sécurité et au niveau de l'assistance juridique et administrative. « Le médecin légiste qui reçoit la victime doit être sûr que les soins sont bien administrés et les services de sécurité doivent faire preuve de disponibilité d'accueil », note le médecin, en affirmant que les lois en Algérie ne sont pas adaptées aux nouvelles exigences socio-économiques. « Le législateur doit revoir ces lois afin qu'elles puissent réellement protéger la victime », ajoute-t-il. Le Dr Boussayoud précise en outre que l'agresseur doit être puni pour qu'il ne perturbe plus le dialogue médecin-victime. La notion de réparation du trauma psychologique est absente Le Dr Amalou a, pour sa part, relevé que la notion de réparation du dommage psychologique n'existe pas dans la législation algérienne. Abordant la question de la prise en charge des traumatismes liés au terrorisme, le Dr Amalou souligne que « le texte législatif ne reconnaît pas le psycho-trauma. L'amalgame est fait entre droit, devoir et faveur. On ne peut réduire le traumatisme, la réparation doit être clairement consacrée et ne plus être tributaire des dommages physiques ». Une participante au congrès relève, quant à elle, que pour prétendre à une indemnité selon la loi, les victimes du terrorisme sont tributaires de l'expertise du médecin de la sécurité sociale suivant un article de la loi sur les accidents du travail. Elle souligne qu'il n'existe pas de barème pour les victimes de viol. Et au professeur Ridouh de rétorquer qu'il est difficile et aléatoire d'indemniser les troubles psychologiques. Le manque de prise en charge des victimes de violence a été soulevé par le Dr Boutaba, médecin légiste à l'institut de criminologie de la Gendarmerie nationale : « Personne n'a pensé à prendre en charge les familles des victimes décédées du fait des attentats terroristes. Lors du dernier attentat à l'Ecole de gendarmerie des Issers, de nombreuses familles étaient là sans que personne ne les prenne en charge. Elles ont été nombreuses à venir à El Alia et le manque de communication avec elles a fait qu'elles ont manifesté leur colère », témoigne-t-il. Le Dr Benharkat répond qu'il n'existe pas, en Algérie, de conduite claire à tenir qui impose la prise en charge immédiate de toute victime de violence. « Nous sommes confrontés à ce problème de deuil. Il faut alerter les autorités sur l'importance d'une prise en charge psychologique immédiate suite à l'acte de violence. » Selon l'expert français M. Ferrey, le désir de vengeance chez la victime est mue par un besoin de réparation : « Il faut donc tenir compte du degré du traumatisme et prendre en charge toutes les démarches qui suivent l'acte de violence. » « La dénégation est un meurtre psychologique supplémentaire » « Exiger d'une victime d'oublier son traumatisme sans le prendre en charge équivaut à la tuer une seconde fois. » C'est ce que soutient Mme A. Lopez, en notant qu'« il est indispensable de se souvenir individuellement et collectivement pour que les morts ne soient pas inutiles ». Et d'ajouter : « Celui qui échappe au meurtre physique est assassiné psychologiquement. » Evoquant la violence de l'Etat, Mme Lopez cite la dictature, la torture et la guerre et note que l'individu se trouve complètement englouti par une violence émanant de l'entité qui est censée le protéger : « A partir du moment où les organisations psychologiques sont autour du déni, il n'est pas possible de poser la question de transgresser la douleur. » A noter que l'objectif assigné aux travaux de ce congrès se résume en l'élaboration d'une charte des droits des victimes, la mise en place d'un réseau d'intervenants tout au long du parcours et la proposition d'un cadre juridique adapté à chaque souffrance. Le service de médecine légale du CHU de Bab El Oued a enregistré, durant l'année 2007, pas moins de 6000 victimes de violences volontaires et involontaires. Parmi les cas enregistrés, 4220 sont attribués à des coups et blessures volontaires contre 1064 à des violences involontaires, 43 à des violences sexuelles et 122 à des cas d'addiction.