La violence à l'égard des femmes a pris des proportions alarmantes, et interpelle la société civile et les institutions en s'inscrivant dans le concept des droits de l'Homme. Sujet tabou, la violence prend plusieurs visages - le terrorisme barbare en est le plus hideux - et sa forme la plus sournoise étant la violence familiale car elle s'exprime dans l'intimité. Les bourreaux ne sont autres que le frère, le mari ou le père. Une étude fait ressortir qu'un tiers des consultations en médecine légale est dû à des coups et blessures causés par un membre de la famille, à savoir 65% des cas par l'époux, 73% par les parents et 21% par la belle-famille. L'âge des victimes varie dans 30% des cas entre 18 et 24 ans, 12% entre 50 et 59 ans et enfin 10% entre 60 et 70 ans. Seuls 5% des femmes portent plainte alors qu'un nombre important se ravise sous la menace de l'agresseur ou sous le poids de la honte mue par un sentiment de culpabilité inspiré du prétendu droit de sanction du mâle. Remettre en cause cet état de fait expose les femmes violentées au mépris et à l'incompréhension de l'entourage immédiat qui dénigre «l'ingrate» qui ose poursuivre son parent car «toutes les femmes sont exposées aux coups». L'hostilité de la société n'encourage pas les dénonciations systématiquement. Les professionnels de la santé ne s'impliquent pas toujours, ils estiment que leurs rôles se limitent aux soins. «Ce sont des histoires de famille», clament certains alors que d'autres trouvent que le droit de violence du mari est reconnu, ainsi, leurs interventions sont empreintes de subjectivité liée à leur propre conception des rôles sociaux et de la famille. Afin de justifier tant de violence à l'encontre des femmes, des hypothèses sont émises. La plus simple est d'ordre biologique. Ainsi, les différences biologiques entre les deux sexes déterminent les statuts, puisque les hommes sont plus agressifs que les femmes qui sont moins autoritaires, un ordre social est établi sur la discrimination et suivant le modèle du dominé-dominant. L'ordre social est, alors, caractérisé par une violence «douce» qui passe par le biais de l'école, de la famille et des autres institutions préparant les individus à accepter cet état de fait par un processus d'identification et de modèles inconsciemment reproduits et transmis de génération en génération. La femme opprimée, aujourd'hui, se révolte, mais paradoxalement, inculquera à sa progéniture les mêmes mécanismes qui favorisent le clivage homme-femme. L'illustration de cette violence symbolique se matérialise, selon M.Boutamine, juriste, par l'adoption d'un code de la famille, qualifié de violence institutionnelle, car en plus d'être un instrument, il est «le reflet d'un projet de société rétrograde»