Hier, il était au banc des accusés ; aujourd'hui, il se tourne vers la justice comme victime. Abdelhamid Hakkar réclame réparation pour des « sévices moraux » qu'il aurait subis dans son lieu de détention en France. La défense de cet Algérien qui croupit en prison depuis 1984 pour un crime qu'il a toujours nié intente en effet un procès contre l'Etat français pour atteinte à ses droits de prisonnier. La plainte, déposée samedi dernier auprès du tribunal de Bir Mourad Raïs (Alger), concerne l'ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, en sa qualité de représentant officiel de l'Etat français en Algérie, et Rachida Dati, ministre française de la Justice et garde des Sceaux. Maître Naâmane Daghbouche, l'avocat de A. Hakkar en Algérie, motive cette plainte par les nombreux dépassements commis à l'égard de son client. Tout en rappelant les circonstances dans lesquelles son client a été maintenu en prison durant 24 ans, l'avocat fait mention de nombre d'années durant lesquelles A. Hakkar a été maintenu en isolement total, dont 5 années consécutives de juillet 1999 à août 2004, avant que le juge administratif, au visa de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne suspende en urgence puis n'annule son placement en isolement au motif qu'il n'était ni fondé en fait ni en droit. L'avocat souligne également les nombreux transferts et changements de prison, 45 fois au total, qui ne reposent sur aucune raison objective. Maître Daghbouche indique, documents à l'appui, que son mandant a subi une véritable « torture morale » et un « traitement inhumain », les certificats médicaux de ses médecins traitants faisant foi. Cela a été attesté par des rapports établis par le Comité européen de lutte contre la torture. Maître Daghbouche revient sur l'affaire de son client, affirmant qu'il a été condamné à tort dans un procès inéquitable tenu sans la présence de son avocat. A. Hakkar, qui a vécu à Besançon où se trouve encore sa famille, est détenu depuis 1984. Il a été condamné le 8 décembre 1989 à la réclusion à perpétuité assortie d'une mesure de sûreté de 18 ans par la cour d'assises de l'Yonne pour le meurtre d'un policier auxerrois, Claude Schaffer, le 30 août 1984 ; meurtre qu'il a toujours nié. Son appel n'a abouti à rien. La cour d'assises n'a fait que confirmer le premier verdict. Se tournant vers la Cour européenne des droits de l'homme pour réclamer un procès équitable, A. Hakkar se voit, en 1995, obtenir gain de cause. Mais la justice française refuse d'appliquer la décision de cette instance européenne de protection et de défense des droits humains, qui a demandé un nouveau procès juste et équitable en faveur de Hakkar. Cela ne décourage pas le détenu, natif de Khenchela, qui a poursuivi son combat en faisant grève et en continuant de réclamer justice auprès de différentes instances françaises et européennes. Des militants des droits de l'homme, comme Jack Lang, ont fait de « la cause Hakkar » la leur, saisissant de leur côté les autorités politiques françaises, européennes et même algériennes. Mais rien n'a changé pour Abdelhamid Hakkar qui va bientôt entamer sa 25e année en prison dans une affaire qui ne semble pas honorable pour la justice française.