Le commissaire de l'exposition, (Carlos Santa Cecilia), va être content quand il saura qu'à Oran, son œuvre a été enrichie par la présentation, au profit du public local, de quelques titres originaux de la presse d'Oran rendant compte de la guerre civile espagnole », c'est ce qu'a déclaré M. Javier, directeur de l'Institut Cervantès (organisateur) à propos de l'exposition itinérante entamée à Madrid, il y a deux ans, et regroupant les témoignages des correspondants de presse du monde entier rendant compte de la guerre civile espagnole (1936-1939). Le vernissage de cette halte oranaise qui durera jusqu'au 10 décembre, a eu lieu lundi 24 novembre au musée Zabana, en présence du consul général d'Espagne à Oran ainsi que de la directrice de la culture, Mme Rabéa Moussaoui. A propos de l'ajout, il s'agit en fait de quelques numéros d'Oran Républicain qui a également inséré des pages en langue espagnole. Parmi les nombreux titres de la presse coloniale éditée à Oran à l'époque, il était le plus engagé, les autres se plaçant en majorité à droite. « Victoire sur le front de Cordoue », pouvons-nous lire dans ses colonnes à l'époque où « l'espoir » de venir à bout du fascisme était encore de mise. Mais l'exposition concerne surtout les comptes-rendus de plumes célèbres qui avaient eu les outils d'analyser en profondeur les événements tragiques vécus par l'Espagne. Aux plus grands reporters des grands titres (français, anglo-saxons ou russes avec Mijail Koltsov ou Ilya ihreburg) envoyés sur le champs de bataille quelques-uns y laisseront leur vie comme Guy de Traversay de l'Intransigeant, Louis de Laprée de Paris soir, Gerda Taro s'adjoint des intellectuels ou écrivains de renom comme Ernest Hemingway, Dos Passos, Antoine de Saint Exupéry, Georges Orwell, André Malraux, etc. « General Franco gives his reasons for revolt », titre l'hebdomadaire britannique News of the world, aujourd'hui propriété du magnat australien Rupert Murdoch, reprenant une interview du général Franco réalisée par le journaliste portugais Felix Carreira, pour le compte du périodique portugais Diario di Lisboa, annonçant ce qui allait devenir l'une des guerres meurtrières les plus complexes de l'histoire de l'humanité. Loin des moyens audiovisuels et les chaînes de télévision florissantes d'aujourd'hui, ce sont les reporters de la presse écrite et les photos-reporters dont des femmes, (Gerda Taro, citée plus haut, qui était la pionnière du photo-journalisme féminin, est née en 1910 à Stuttgart en Allemagne et morte le 28 juillet 1937 à l'Escorial), qui ont témoigné de la tragédie sanglante, la destruction et le déplacement des populations. Hormis ces témoignages directs, la guerre civile espagnole, à laquelle ont pris part les brigades internationales pro-républicaines, a inspiré des œuvres littéraires et artistiques (peinture, musique, cinéma, etc.) de grande valeur. On retrouve ainsi le bombardement de Guernica, immortalisé par Picasso, décrit par le journaliste G. L. Steer dans une même chronique publiée dans le périodique anglais The Times et le New York Times. Parmi les Nord-américains engagés dans les brigades internationales, on y retrouve Robert Merriman qui a inspiré Hemingway pour son roman Pour qui sonne le glas. On peut également, hormis les traces de destruction et des combattants en action, remarquer des photographies représentant des manifestants tel cet homme « habillé » d'une pancarte sur laquelle est inscrite la mention en anglais : « International brigade, red Spain is communist ». A propos de politique, la position de l'ex-URSS a donné lieu à plusieurs commentaires pendant et après la guerre. Disparu le 18 novembre dernier à l'âge de 82 ans, originaire d'Algérie, Emile Temime a cosigné en 1961, avec l'historien trotskiste Pierre Broué, La révolution et la guerre d'Espagne, une analyse de la situation des révolutionnaires espagnols trahis par Staline et qui a inspiré le cinéaste Ken Loach pour Land and Freedom. A propos de cinéma, la Semaine du film espagnol, organisée en avril dernier à la cinémathèque, a proposé des œuvres contemporaines qui ont directement ou indirectement (à travers une mémoire des lieux ou véhiculée par des personnages) un lien avec cette guerre qui ne finit pas de rejaillir de l'inconscient collectif espagnol. Un autre cycle de cinéma espagnol a eu lieu les 29 novembre et 3 décembre, organisé par le même institut, qui a également diffusé, à l'occasion de cette manifestation, une musique particulièrement triste composée par Pablo Casals, lui aussi engagé contre la dictature, ce qui lui avait valu l'exil.