Un juste retour des choses Les Israéliens sont dans tous leurs états. Ils le sont en réalité depuis le jour où le processus de saisine de la Cour internationale de justice (cij) avait été enclenché, par une session spéciale de l'Assemblée générale de l'ONU, favorisé, il est vrai, par la suffisance israélienne et le flagrant parti pris en faveur de ce dernier, encore susceptible de mener à un déni de justice pourtant évident. Plus qu'un retour de manivelle, c'est un retour de flammes qui frappe y compris les appuis d'Israël qui avaient pris sur eux d'inverser les éléments fondamentaux de la question palestinienne et nié le rapport occupant-occupé. Et le mur en question procède de cette stratégie qui allait constituer un immense fait accompli comme il y en a tant dans les annales du Proche-Orient. C'est pourquoi, l'avis de la CIJ rendu vendredi dernier et condamnant la barrière de séparation construite par Israël en Cisjordanie et demandé son démantèlement, constitue le pire scénario pour ce dernier. « Cet avis de la Cour constitue le pire scénario pour Israël. En revanche, purement en termes de droit international, c'est une décision juste, très claire et très équilibrée », souligne un expert en droit international à La Haye. La CIJ, principal organe judiciaire des Nations unies, a rejeté la plupart des arguments présentés par Israël. Les juges ont tout d'abord décidé, à l'unanimité, qu'ils étaient compétents pour répondre à la question qui leur était posée par l'Assemblée générale de l'ONU sur la légalité de la barrière de séparation. Le gouvernement israélien avait dénoncé la compétence de la Cour dans ses arguments écrits en estimant que la question posée était de nature politique. La Cour a ensuite condamné sans équivoque l'illégalité de la barrière de séparation. Les juges ont reconnu explicitement le droit d'Israël à l'autodéfense pour se protéger des « nombreux actes de violences indiscriminés contre sa population civile », mais ils ont estimé que ce droit ne permettait pas de justifier la construction du « mur » sur un territoire occupé, contrairement à ce que soutient l'Etat hébreu. Le fait que la Cour ait rendu son avis à la quasi-unanimité, à quatorze voix contre une, est un revers supplémentaire. Seul le juge américain Thomas Buergenthal s'est opposé à cette décision. « Pour Israël, une décision partagée, à huit voix pour, sept contre par exemple aurait au moins montré qu'il y avait des divergences en termes de droit », relève un autre analyste. Il faut par ailleurs être attentif aux autres conclusions qui gênent elles aussi énormément Israël et ses appuis qu'il est désormais obligé de compter une nouvelle fois. Effectivement, la Cour a appelé les Etats tiers à ne pas soutenir la construction de la barrière. Pour les experts judiciaires, cet appel pourrait isoler davantage Israël si une résolution demandant le démantèlement de la barrière est présentée à l'Assemblée générale de l'Onu. « En théorie, les autres Etats pourront difficilement s'abstenir ou voter contre après un tel avis de la plus haute instance judiciaire de l'Onu », relève-t-on à ce sujet. Et là, on s'interroge sur la position qu'adopteront les pays de l'Union européenne et les Etats-Unis qui n'ont pas participé aux audiences publiques de la CIJ en février dernier en estimant qu'un avis serait inopportun. Dans son avis, la CIJ a également réaffirmé, avec force, plusieurs points de droit international s'appliquant aux territoires occupés. « Le fait que la Cour ait redit que les quatrièmes Conventions de Genève s'appliquent sur les territoires occupés est crucial. Cela confirme à nouveau que les colonies sont illégales », souligne très opportunément, juriste néerlandaise spécialiste en droit international. La suite ne manque donc pas d'importance puisqu'elle place la communauté internationale devant ses responsabilités avec un espace de liberté réduit à néant. L'avis, pour juridique qu'il soit, est aussi politique en ce sens qu'il restitue la question palestinienne dans le cadre qui est le sien. Les Palestiniens n'ont pas manqué de le saluer comme un acte historique. En quelques lignes, tout a été dit, principalement le fait qu'Israël est une puissance occupante. Et qu'il n'est pas en position de légitime défense.