Ouverte hier la session de la Cour internationale de justice sera consacrée à l'affaire de la barrière israélienne. La bataille du «mur de l'apartheid» a commencé hier à La Haye devant la Cour internationale de justice. L'avis que va rendre cette institution internationale, suite à la demande de l'Assemblée générale de l'ONU le 8 décembre dernier, quant à la légalité ou l'illégalité de la clôture qu'édifie Israël en Cisjordanie, constituera un tournant dans le dossier israélo-palestinien. Cet avis, qui n'est que consultatif et nullement contraignant, sera toutefois indicatif, à tout le moins au plan juridique, -et partant ses conséquences politiques-, de la réalité de l'occupation israélienne. La communauté internationale le sait éprouve des difficultés à le dire de façon irréfutable. Aussi, c'est l'occasion de mettre chacun face à ses responsabilités, d'autant plus qu'il s'agit là d'un conflit dont Israël en a fait une chasse gardée, interdisant à toute autre partie un droit de regard sur le dossier israélo-palestinien, à l'exception notable des Etats-Unis, quasiment instrumentalisés par l'Etat hébreu au Conseil de sécurité. Plus de 80 veto de Washington ont sauvé Israël d'une condamnation internationale. Aussi, contrairement à ce qu'affirment Américains, Européens et Russes, considérant la saisine de la Cour internationale de justice de l'affaire du mur comme «inappropriée», il y a tout lieu de se féliciter de cette saisine qui est en réalité plus qu'opportune, incontournable même, pour qu'enfin une institution internationale dise les faits et rien que les faits dans les territoires palestiniens occupés. Et dans cette affaire il est justement question d'occupation, que l'Occident semble curieusement renvoyer en second plan insistant plutôt sur le terrorisme palestinien, sans faire de lien entre celle-ci et celui-ci, alors même que, si «terrorisme» il y a, il est avant tout la résultante directe de l'occupation israélienne. De fait, les Palestiniens ne sont pas contre l'édification par Israël du mur, ce dernier pourrait-il même culminer à «80 mètres plutôt que les 8 mètres» actuels, comme l'indiquait hier le représentant palestinien auprès de l'ONU, Nasser Al-Kidwa, mais à la condition que cette barrière soit construite à l'intérieur d'Israël. En effet, pourquoi construire cette «ligne de sécurité» dans les territoires palestiniens occupés? C'est bien là le fond du problème, car en vérité contrairement à ce qu'avancent les Israéliens, qui ramènent tout au terrorisme, la question posée à la CIJ est bien celle de dire la légalité ou l'illégalité du mur en construction en Cisjordanie. De fait, la CIJ n'a pas été mandée pour traiter du terrorisme mais bien de confirmer s'il y a empiètement de la part de l'Etat hébreu sur les territoires qu'il occupe depuis 1967. En fait, ne tenant pas compte du droit international, Israël a toujours agi comme un Etat au dessus de tout droit ou lois internationaux. Ainsi, le ministre israélien de la Défense, Shaoul Mofaz, d'affirmer «Aucun pays, aucune institution n'a le droit de contester le droit d'Israël de défendre sa population». Certes, oui, mais à l'intérieur du territoire israélien, ce qui n'est pas le cas lorsque cette défense s'effectue à partir des territoires palestiniens qu'Israël occupe. De fait, tout en estimant «inappropriée» la saisine de la CIJ, le chef de la diplomatie britannique, Jack Straw, a déclaré hier à Bruxelles, lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE, «Nous considérons le mur comme illégal partout où, comme c'est le cas de nombreux endroits, il s'écarte de la frontière internationale, la ‘' ligne verte'' et empiète sur le territoire palestinien». En effet, il n'y a pas de raison pour que tout ce qui est illégal partout ailleurs dans le monde ne le soit plus dès qu'Israël est en cause. Jack Straw souligne également «Nous croyons aussi...que la construction du mur va être contre-productive». C'est bien ce que les Palestiniens s'efforçaient de faire comprendre au monde depuis de nombreux mois, comme quoi la poursuite de la construction du mur mettra fin à toute velléité de trouver un compromis pour relancer le processus de paix au Proche-Orient. Dans une déclaration faite hier à Ramallah, le président Yasser Arafat a affirmé «La CIJ dispose aujourd'hui d'une occasion pour consacrer la base juridique de la légitimité internationale, donner un espoir à la paix et à la construction de ponts d'amitié et de coopération à la place du mur de l'annexion, de l'expansion et de l'apartheid». De leur côté, faute d'arguments à opposer aux Palestiniens, le gouvernement israéliens affirme, dans le mémorandum remis à la CIJ, que «Toute réponse sur la substance de la requête (d'avis) saperait indubitablement la feuille de route. La cour ne devrait pas rendre d'avis». Or, la «feuille de route» (comme cela a été le cas pour tous les plans de paix, notamment l'accord d'Oslo conclu entre l'OLP et le gouvernement israélien en 1993), est actuellement dans l'impasse du fait du refus d'Israël d'honorer ses engagements. De fait, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, semble avoir déjà répondu à ces réserves affirmant le 28 novembre dernier que «la ligne de sécurité est un revers pour le processus de paix israélo-palestinien et une souffrance pour le peuple palestinien». Il est patent que l'avis que donnera la Cour internationale de justice ne peut que confirmer l'illégalité du mur que construit Israël dans les territoires palestiniens occupés.