L'avis de la Cour de justice de La Haye continue de susciter l'ire des Israéliens. En jugeant illégal le «mur» qu'Israël construit dans les territoires palestiniens occupés en Cisjordanie, la Cour internationale de justice, (CIJ) a sérieusement ébranlé la certitude d'Israël qui a toujours ignoré et méprisé les décisions des instances internationales dans le conflit proche-oriental qui perdure depuis plus d'un demi-siècle. Les Israéliens, et singulièrement le Premier ministre Ariel Sharon, ont tellement mal pris le jugement de la Cour de La Haye que le chef du gouvernement israélien va jusqu'à rendre la CIJ «coupable» du dernier attentat commis à Tel-Aviv. Mais en fait ce n'est pas la première fois que Sharon, fort par ailleurs de l'impunité qu'assurent les Etats-Unis à Israël, perd le sens des mesures. La vérité, la seule en fait que ni Israël ni son protecteur Washington ne veulent reconnaître, est que si «terrorisme» il y a, cela est dû, d'abord et avant tout, à l'occupation par Israël des territoires palestiniens. Déjà en 1967, au lendemain de la guerre des Six jours, le président français Charles de Gaulle a eu ces mots qui sont restés fameux et lui valurent l'inimitié d'Israël, qui déclara que «l'occupation et la répression» d'Israël contre les Palestiniens ont pour résultat «la résistance qu'à son tour (Israël) appelle terrorisme». Depuis, les choses n'ont guère évolué, Israël occupe toujours les territoires palestiniens et y exerce une répression sanglante - plus de 4000 Palestiniens tués ces trois dernières années - en parlant de «terrorisme palestinien» occultant le fait que ce «terrorisme», qui n'est en réalité que de la résistance à l'occupation, est induit par l'occupation et l'implantation des colonies juives de peuplement dans les territoires palestiniens. Aussi, c'est à juste raison que la CIJ rappelle que le «mur» érigé sur un territoire occupé est contraire aux lois internationales. De fait, les choses auraient été autrement si Israël avait édifié cette «barrière» à l'intérieur du territoire israélien, ce qui, à tout le moins, aurait pu conforter son droit à l'autodéfense. Israël ne pouvait prétendre se défendre en construisant un «mur» sur un territoire qui n'est pas le sien et qu'il devra bien un jour ou l'autre évacuer. Or, beaucoup «d'experts», ou prétendus tels, épousant les positions d'Israël sont montés au créneau tentant d'expliciter le droit d'Israël de se défendre, faisant une lecture tronquée des attendus de la CIJ, en ignorant totalement l'occupation israélienne des territoires palestiniens ne retenant que l'aspect «terrorisme» alors que celui-ci est la résultante directe de cette occupation. Ainsi, un «spécialiste» du Moyen-Orient de l'Université de Sidney (Australie), Leanne Piggot, écrit dans une contribution qu'«il y a entre les lignes de ce texte (cf, l'avis de la CIJ) une bombe à retardement qui tend à réécrire radicalement les lois internationales, qui régissent les droits inhérents aux Etats à se défendre et à défendre leurs citoyens», reprenant à son compte le leitmotiv israélien. Toutefois, ce droit doit s'inscrire, n'importe quel législateur peut l'attester, dans le cadre des frontières «internationalement» reconnues de cet Etat. Or, la Cisjordanie, où Israël construit le «mur» contesté, est selon la législation internationale et singulièrement celle des Nations unies (cf, notamment les résolutions 242 de 1967 et 338 de 1973) un territoire palestinien «occupé». Dès lors, l'occupant n'a aucun droit, selon ces mêmes lois de changer la nature de ce territoire, et le «mur» entre dans la perspective de modifier la consistance territoriale de la Cisjordanie en prévision de son annexion. Ce que d'ailleurs le texte de la CIJ n'a pas manqué de relever. De fait, Sharon, qui méprise tellement les décisions internationales qui ne confortent pas les «droits» d'Israël, vient d'ordonner, la reprise et l'accélération de la construction du «mur» en Cisjordanie, faisant ainsi fi du jugement de la CIJ. De fait, cette sentence a été estimée comme étant un «verdict de poids» par le Vatican commentant dimanche l'avis de la CIJ. C'est ainsi que le porte-parole du Vatican Joaquim Navarro-Valls a déclaré à la presse que «c'est un verdict de poids, car il a été demandé par l'organisation des Nations unies». Le secrétaire général de cette organisation, Kofi Annan, a, lui assuré à Bangkok - où il participait à la 15e conférence internationale sur le Sida - qu'Israël «doit se conformer au droit international», affirmant : «Je pense que la décision de la Cour est claire», avant d'ajouter : «Si nous acceptons tous le fait que le gouvernement d'Israël a la responsabilité, et en fait le devoir, de protéger ses citoyens, toute action qu'il prend doit être en conformité avec le droit international (...) et doit respecter les intérêts des Palestiniens», concluant «Israël en tant que puissance occupante a la responsabilité du bien-être du peuple palestinien», ajoutant : «Le rapport a été transmis à l'Assemblée générale (de l'ONU) et nous verrons ce qu'ils vont faire». De fait, les Palestiniens qui ne comptent pas porter l'affaire devant le Conseil de sécurité avant novembre prochain (après l'élection présidentielle américaine) vont en revanche présenter un dossier complet devant l'Assemblée générale de l'ONU qui avait, en décembre 2003, demandé un avis à la CIJ qui a rendu son jugement le 9 juillet dernier sur cette affaire.