Dans quel état se trouve le chott de Aïn El Beïda ? Le paysage au niveau du chott a beaucoup changé. Comme vous le constatez, l'état de cette flore desséchée et de cette faune rare (à peine quelques individus de flamants roses), représentée par quelque limicoles, sont dans une situation désastreuse que le site n'a pas vécu depuis plus d'un siècle. La cause essentielle est la déviation des eaux de la principale source qui alimente le chott, en l'occurrence les eaux de drainage représentant les eaux excédentaires au niveau de la palmeraie. Les drains au niveau de la palmeraie sont classés de façon hiérarchique, les drains primaires déversent leurs eaux dans les secondaires puis les tertiaires jusqu'à l'arrivée au collecteur principal qui épand ces eaux dans un exutoire ou une zone d'épandage. Ici, on a privé une zone d'épandage de recevoir ces eaux de drainage ; et ce n'est pas n'importe quel site, c'est une zone humide protégée par la convention de Ramsar, dont l'Algérie est membre à part entière. Selon le ministère des Ressources en eau, le chott aujourd'hui asséché devrait se remplir et un système d'ouverture des vannes permettrait de l'alimenter et conserver ainsi son équilibre. Que pensez-vous de cette solution ? Si cette solution sera mise en application, ce sera un bon signe de rendre la vie dans ce chott, mais je crains que ces promesses ne voient le jour. D'autres promesses ont été émises par les autorités de la wilaya au début de cette année, mais rien de vécu sur le terrain ; au contraire une dégradation de plus en plus accrue. Une fois rempli, pensez-vous que les oiseaux migrateurs reviendront sur ces lieux où ont-ils disparu de la liste des sites fréquentés par ces espèces ? Il est très difficile de prévoir le retour instantané de ce peuplement d'oiseaux migrateurs et sédentaires, mais je crois que plus l'opération sera rapide (dans un bref délai) plus les chances de retour sont grandes. Pour des populations d'oiseaux, il est difficile de s'acclimater à un endroit puis le changer rapidement ; mais par optimisme, je dis que plus ce remplissage est imminent, plus les chances de voir ce site « garni » d'oiseaux et de flore sont certaines. Si vous aviez été avisé avant la mise en route des travaux, qu'auriez-vous entrepris ? Regrettez-vous de ne pas avoir été informé ? Si nous étions informés, mes collègues et moi chercheurs, s'intéressant aux zones humides et aux oiseaux d'eau, nous aurions donné nos points de vue et avec tous les arguments et les explications pouvant éviter une telle catastrophe écologique. Au début, ce que nous revendiquions était le déversement des eaux usées dans ce site (pas les eaux de drainage) ; mais avec le temps et en observant les travaux, nous avions pu remarquer que l'opération consiste à assécher le chott et l'effacer carrément de la carte. Je regrette ce manque de consultation avec les spécialistes et les gens représentant la société civile (associations). Les consultations pour l'étude d'impacts écologiques de ce projet ont été faites avec les responsables de l'université et des gens qui n'ont aucun rapport avec l'environnement et la conservation de la biodiversité.