Abdelhakim Bouzid, dans son travail quotidien, fait le suivi régulier et continu des oiseaux d'eau au niveau des chotts de Aïn El Beïda et de Sidi Khouiled, Sebkhet El Maleh (El Goléa), Sidi Amrane (Djamaâ) et Oued Khrouf ainsi que du chott Merouane (Meghaïer). Il fait également l'étude du cortège floristique à Aïn El Beïda et à Sebkhet El Maleh. M. Bouzid fait également le suivi depuis quelques années de la phénologie de reproduction de quelques espèces limicoles à Aïn El Beïda et Sebkhet El Maleh. Il étudie également la dynamique de population du flamant rose dans les zones humides du nord-est du Sahara par le biais des lectures de bagues. Abdelhakim Bouzid a fait partie de la première équipe en Afrique du Nord qui a bagué des poussins de flamants roses au niveau du chott Zemmoul (Aïn M'lila). Quelle est la situation au chott de Aïn El Beïda ? La situation aujourd'hui à Aïn El Beïda est devenue dramatique, suite aux travaux d'aménagement entrepris par l'ONID depuis plus d'une année et qui ont pour but d'assécher le chott. Lors de mes dernières sorties sur le site, j'ai pu remarquer que le plan d'eau est réduit à 2 ou 3 % de ce qu'il était l'année dernière au même moment, ce qui a engendré un exode presque total de l'avifaune, et plus particulièrement le flamant rose. Un dénombrement fait le 1er mai dernier fait apparaître, pour la première fois, une absence totale du flamant dans cette zone humide à importance internationale ; des dénombrements faits auparavant, c'est-à-dire durant les dix années précédentes, au cours de la même période, ont recensé un nombre de flamants variant entre 100 et 160. D'autres espèces d'oiseaux limicoles ont vu leur effectif baisser considérablement, et ceux qui se reproduisaient dans le site ont déserté cette année. Le chott de Aïn El Beïda, ce paradis entouré de palmeraies, ressemble en ce moment à un désert. N'y avait-il pas eu d'arrangement avec l'ONID ? L'ONID relevait du ministère de l'Hydraulique et des Ressources en eau. Le représentant du ministère au niveau de la wilaya de Ouargla est la direction de l'hydraulique ; cette instance était représentée durant les sessions de dialogue et de concertation organisés dans le siège de la wilaya et au niveau de la daïra de Sidi Khouiled (circonscription incluant cette zone humide). Au cours de ces réunions, nous nous sommes mis d'accord pour entreprendre des actions urgentes afin de remédier à cette situation d'assèchement provoqué ; aussi, il a été décidé de lancer une fiche technique dans le but de rectifier les cours des eaux de drainage pour qu'ils se déversent dans le chott. Mais rien n'a été remarqué sur le terrain et les travaux effectués par l'ONID vont assécher définitivement cette zone humide d'importance internationale (RAMSAR). Que peut-on craindre pour l'avenir de cet écosystème ? Le site qui présentait beaucoup d'intérêt pour la cuvette de Ouargla et la communauté scientifique mondiale va être « rayé » de la carte. Parmi les avantages que présente ce chott, je cite l'intérêt environnemental atténuant les chaleurs torrides des journées d'été dans cette région, l'intérêt écotouristique, ce tableau fascinant que représente cette biodiversité faunistique et floristique et l'intérêt économique qu'il symbolise par l'important gisement de sel qu'il engendre. La communauté mondiale trouve dans ce site un point très important accueillant l'avifaune migratrice et sédentaire ainsi que dans les études scientifiques qui ont été menées au niveau de cette zone humide ; beaucoup de publications de travaux menés dans ce site se trouvent dans les bases de documentation nationale et internationale. N'y a-t-il pas moyen de réparer les dégâts et est-il trop tard ? Je suis toujours optimiste et collaborateur pour trouver une solution à cette situation dramatique et tragique, comme nous pourrons trouver des solutions qui sont faciles à réaliser mais encore faut-il que les intentions des uns et des autres soient sincères et objectives et qu'elles prenent en considération le respect de la nature et de l'environnement. Ce respect ne se concrétise qu'en suivant les directives des conventions internationales ratifiées par l'Algérie et je fais allusion ici à la convention de Ramsar relative aux zones humides d'importance internationale. Dans le texte de cette convention, il a été mentionné que les travaux amenant à la fragmentation d'un site naturel ou une zone humide sont interdits ; mais ce que nous remarquons au niveau du chott de Aïn El Beïda, c'est tout à fait le contraire, puisque des pistes ont été créées depuis moins d'une année, divisant le chott en 7 compartiments. Ces pistes vont être une source de dérangement pour la faune qu'abrite ce site et plus particulièrement l'avifaune. Quel est le rôle que peut jouer la communauté scientifique pour préserver ce site ? Les chercheurs peuvent jouer un rôle primordial dans la conservation et la préservation de ce site en multipliant les contacts avec les autorités locales et nationales et en s'organisant dans des groupes de recherche pluridisciplinaires visant à tirer le maximum d'informations sur cet écosystème et à en comprendre les phénomènes d'évolution et de dynamique in situ. J'espère que des actions comme celles menées contre le tracé du tronçon d'autoroute à l'intérieur du parc d'El Kala et auxquelles nous avons tous participé soient menées et avec la même ampleur pour la protection de cette zone humide d'importance internationale. Sauvons la nature pour mieux vivre.