Y a-t-il une transmission héréditaire du pouvoir dans une république. Bien entendu, cette interrogation ne mériterait même pas d'être posée, si des tentatives velléitaires n'avaient pas marqué certains régimes arabes adeptes des républiques « monarchiques ». Car avec leurs intentions bien plus que totalitaires, si ces régimes républicains, notamment arabes, ne sont pas des monarchies, c'est tout comme. Dernièrement, des manifestants se sont rassemblés au Caire, dans l'indifférence générale, pour dénoncer ce qui se concocte dans les arcanes du pouvoir égyptien, où l'on évoque, de plus en plus, la succession du fils du raïs, Gamel Nasser, 41 ans, membre influent du Parti national démocratique, parti au pouvoir, quoi qu'en pense le peuple égyptien. L'élection présidentielle est prévue en septembre prochain pour désigner le successeur de Moubarak, au pouvoir depuis 23 ans. Ce dernier ne compte pas briguer un autre mandat et l'avènement de son fils serait bien vu aussi bien par la communauté internationale que par l'Administration Bush, qui ne désespère pas de faire aboutir son projet de Grand Moyen-Orient. Inutile de dire que l'image reflétée actuellement par l'Egypte est loin d'être reluisante en matière de démocratie et de droits de l'homme. Mais dans le monde arabe si complexe, l'Egypte n'est pas en reste, puisqu'en Syrie, Bachar a succédé sans encombre à son père Hafez. A 34 ans, il se trouve propulsé à la tête de la République syrienne, lui qui se destinait à l'ophtalmologie. Il aura fallu que l'Assemblée amende la Constitution afin d'abaisser, de 40 à 34 ans, l'âge minimum requis pour accéder à la présidence. En Libye, beaucoup de signes indiquent que Seïf El Islam Kadhafi est l'héritier tout désigné de son père. Ce jeune homme, dont les universités occidentales ne voulaient pas, fait paradoxalement les yeux doux à l'Occident, après la volte-face de son père, soucieux d'améliorer son image, après avoir été longtemps taxé d'ennemi public numéro un. Seïf El Islam, en plus de l'organisation caritative qu'il préside, est mis sur le devant de la scène internationale où il a même négocié la libération des otages de Jolo, aux Philippines. Le plus curieux est que ces dirigeants « héréditaires » sont les chantres zélés de la démocratie et des droits de l'homme. D'autres dirigeants arabes succombent à la même tentation, s'ils ne succèdent pas à eux-mêmes. Les peuples n'ont que les dirigeants qu'ils méritent, dit-on. On comprend dès lors pourquoi la Ligue arabe est en panne depuis sa création. On comprend pourquoi les Egyptiens s'entêtent à garder le siège de la ligue chez eux, au Caire. On comprend pourquoi, irritée, l'Algérie dénonce la mainmise de l'Egypte sur cette institution, devenue simple annexe du ministère des Affaires étrangères égyptien... On comprend, enfin, pourquoi le déficit en démocratie dans les pays arabes est un frein à leur développement et que la ligue se donne l'illusion qu'il existe un monde arabe, même avec des républiques « monarchiques ».