Mahmoud Darwich, le « poète des vaincus », est mort le 9 août à Houston, aux Etats-Unis, où il venait de subir une opération à cœur ouvert. Avec sa disparition, c'est toute une tradition de lutte par les mots qui risque de disparaître. Ses compatriotes de Palestine et de la diaspora, qui ont souvent apprécié son courage et son verbe, n'en finissent pas de le pleurer. Les cheveux en bataille et les mots bien sentis, Darwich ne s'est jamais départi de son caractère qu'il a hérité de sa jeunesse traquée. Qui mieux que Mahmoud Darwich a pu exprimer l'espoir de voir la Palestine libérée du joug. Il avait l'espoir chevillé au corps. Pour lui, l'espoir est un mal. « Nous souffrons d'un mal incurable qui s'appelle l'espoir. Espoir de libération et d'indépendance. Espoir d'une vie normale, où nous ne serons ni héros ni victimes », clamait-il. Mahmoud Darwich est né le 13 mars 1941, à Al Birwah, en Galilée, à l'est de Saint-Jean-d'Acre, en Palestine. Il est le deuxième enfant d'une famille de propriétaires terriens, avec quatre frères et trois sœurs. Son village fut rasé après l'arrivée des sionistes et sa famille contrainte à l'exode au Liban. Ce n'est pour lui que partie remise, puisqu'il retournera dans son village, mais quel ne fut son étonnement lorsqu'il trouve sur son emplacement une colonie juive. Après des études en Palestine, il part en Union soviétique avant d'aller vivre au Liban jusqu'à 1982. N'en finissant pas de bourlinguer, il va au Caire, à Tunis et enfin à Paris. Il rejoindra l'OLP qu'il quittera après un désaccord avec Arafat sur les accords d'Oslo de 1993. Son premier recueil de poésies fut publié quand il avait dix-neuf ans, Asafir bila ajniha (oiseaux sans ailes, 1960). Suivra Awraq al zaytun (Feuilles d'olives), qui le fera connaître des masses arabes, mais aussi des Israéliens qui essaieront d'étouffer sa voix, reconnaissable parmi tant d'autres. Plusieurs fois emprisonné, Darwich n'a pour autant jamais cessé, comme en conviennent ses critiques, d'« espérer la paix ». Le poète prolifique à la faconde a publié plus de vingt volumes de poésies, sept livres en prose et a été rédacteur de plusieurs publications, comme Al jadid Al fajr (L'aube), Shu'un filistiniyya (Affaires palestiniennes) et Al Karmel. Ses œuvres lui ont valu de multiples récompenses et il a été publié dans au moins vingt-deux langues. Les Algériens l'ont découvert à l'occasion de ses escales à Alger. On le disait fan de clubs de football bien de chez nous. Après plus de 30 ans de vie en exil, Darwich peut rentrer sous conditions en Palestine, où il s'installe à Ramallah. Le cri d'outre-tombe de Darwich nous aide à vivre et faire croire dans la poésie célébrée par Marcel Khalifa et le trio Joubran. « Sans doute avons-nous besoin aujourd'hui de la poésie, plus que jamais, afin de recouvrer notre sensibilité et notre conscience de notre humanité menacée. »