Il y a une trentaine d'années, à une vieille dame qui lui demandait où se trouvait le ministère de la Justice, un ancien ministre qui était en charge de ce secteur lui indiqua, au moment où il montait dans sa voiture officielle, le grand bâtiment blanc de style arabo-musulman planté au cœur d'El Biar, tout en répondant malicieusement : « Le ministère est là, la justice, je ne sais pas. » Ce lointain garde des Sceaux savait assurément de quoi il parlait avec cette pointe d'humour acerbe. Il sera appelé plus tard à exercer des fonctions au plan international. On imagine qu'il a quitté sans regret son département ministériel qui n'avait sans doute pas atteint l'état de déliquescence qu'on lui connaît actuellement. A l'époque, on ne graciait pas par « erreur » des prisonniers pour les remettre en prison, on ne présentait pas des enfants de 2 et 5 ans devant le juge ! On condamnait encore moins à de la prison ferme des « casseurs de Ramadhan » pour avoir fumé une « clope » avant l'heure de rupture du jeûne ! Comment ne pas citer, au risque d'être accusés, encore une fois, de faire preuve de « nombrilisme », les innombrables et quotidiennes affaires dites de « délits de presse », aux verdicts disproportionnés et qui ne sont rien que la traduction délibérée d'une instrumentalisation de la justice par le pouvoir politique dans ses rapports avec la presse indépendante. La dernière affaire opposant une journaliste et son directeur à un médecin « guérisseur », plus charlatan qu'autre chose, est une preuve de plus de cet harcèlement judiciaire qui dure depuis bientôt une vingtaine d'années contre la presse qui « gêne » et qui « dérange » un pouvoir enclin à l'absolutisme. Jusqu'à quand ? Les choses seront ainsi tant que les contre-pouvoirs ne joueront pas le rôle qui leur est dévolu. Tant que la tentation de gérer de manière absolue un pouvoir à tous les échelons de la hiérarchie sera une règle de conduite qu'accompagne un mépris manifeste à l'égard des concitoyens, des administrés. Les participants étrangers du séminaire sur les droits de l'homme en Afrique, dans le cadre du NEPAD, qui s'est tenu au siège de l'Assemblée populaire nationale à Alger, n'ont certainement pas été convaincus par les professions de foi dont ont pu faire preuve quelques responsables algériens à la tribune de ce rassemblement continental, connaissant l'état des lieux déplorable des droits de l'homme chez nous, à l'instar de quelques exemples cités plus haut. A qui la faute ? D'abord à ceux qui ont la charge de ce secteur depuis des années. L'insuffisance de la formation des juges et l'inexpérience de beaucoup d'entre eux, mêlée parfois à de l'incompétence, ont fait le reste. Dans une telle situation marquée par des carences aussi graves, l'intolérance, les préjugés prennent alors le dessus quand il s'agit de « rendre » justice en son âme et conscience. Faut-il alors s'étonner que la majorité des citoyens ont de moins en moins confiance en la justice ? Benyoucef Mellouk fait partie aujourd'hui de ces hommes et femmes désabusés, lui qui croyait honnêtement et sans doute naïvement pouvoir débusquer des magistrats faussaires du corps de l'appareil judiciaire qui ont usurpé la qualité de moudjahid. Mal lui en pris, il est depuis 1992 victime d'un harcèlement continu et « multi-institutionnel » (police, justice, comités de soutien, kasmas, etc.) pour avoir déballé ce qui persiste « un complot politico-judiciaire » autour de cette affaire des « magistrats faussaires ». Récemment encore, M. Mellouk a été mis en demeure de rembourser au ministère de la Justice où il a occupé un poste de cadre supérieur, un mois de salaire soi-disant indûment perçu en 1992, alors qu'il était en détention dans le cadre de cette affaire en même temps que le journaliste Abderrahmane Mahmoudi. Le comble du ridicule, au regard des 10 000 pensions mensuelles versées aux 10 000 « faux moudjahidine », selon le chiffre avancé par le ministre et le secrétaire général de l'ONM, sans compter les autres avantages concédés comme les licences d'importation de véhicules, dérogations douanières, bonifications, etc. Faisons le compte sur 10, 15 ou 20 ans, ces avantages représentent des dizaines de milliards de dinars injustement perçus par ces faux patriotes au détriment de la collectivité nationale sans qu'aucun responsable officiel ne s'en émeuve ! Alors de grâce, laissons tranquille Benyoucef Mellouk, car si un Algérien doit être consacré homme de l'année 2008, ce sera lui sans la moindre hésitation.