L'hiver s'annonce rude du côté des hautes plaines sétifiennes, où la nuit le thermomètre atteint les -5° en de nombreux endroits. Comme à l'accoutumée, la chute de température fait souffrir une importante tranche de la population ne profitant toujours pas du « gaz naturel », une commodité des temps modernes ainsi que les plus vulnérables de la société, notamment les SDF qui passent leurs nuits à la belle étoile, non loin de Aïn Fouara, plus précisément au niveau des Arcades. En ces lieux, survivent des personnes abandonnées à leur triste sort et aux aléas du mercure. Ces laissés-pour-compte, dont la vie est en péril, bénéficient d'une solidarité pratiquée le plus souvent comme fonds de commerce. C'est en s'approchant, jeudi dernier aux environs de 22 h, d'une jeune femme d'une quarantaine d'années, que nous avons mesuré l'ampleur du désarroi de cette frange de la société. Démunie de tout, la dame ne possède, par de telles circonstances, que sa tendresse pour couver ses deux petits enfants en pleurs. Le froid et la misère sont à l'origine du martyre de ces frêles créatures, privées du strict minimum. Ne voulant décliner ni son identité ni les causes de ses malheurs, d'une voix basse, notre interlocutrice ne demande que de l'attention, disant : « Je ne réclame pas l'aumône, mais du travail et une petite chambre pour protéger mes petits des dangers de la rue. » Non loin de là, une autre femme, accompagnée de sa fillette d'à peine deux ans, toutes deux adossées au mur de l'agence bancaire CPA, vit le même calvaire. Bouleversé par une telle scène, un passant offre le gîte à la dame, tout en s'interrogeant : « Où sont les services de l'action sociale, les bénévoles du Croissant-rouge et les fanfarons de la société civile qui ne pointent le bout du nez qu'en présence des caméras de l'Unique ? » La vie de ces malheureux en péril, vivant dans la précarité, interpelle les consciences. La situation des habitants de douar El Houadef, un no man's land d'un autre temps, situé à quelques encablures de la capitale des Hauts-Plateaux, n'est guère reluisante. Le hameau, où végètent plus de 100 familles, souffre le martyre en cet hiver sibérien. Faute de raccordement au gaz naturel qui n'est pas à l'ordre du jour pour la région située à plus de 3 km de la route nationale reliant Sétif à Beni Fouda, le lieu est sans ressources énergétiques, lesquelles font cruellement défaut aux gens de ce douar, qui souffrent en silence loin des yeux des élus de la commune Ouricia, en charge, en principe, des affaires d'un bourg en proie à d'innombrables maux. « La moitié de ma pension de retraité (12 000 DA) est absorbée par le gasoil, qui ne règle pas tous nos problèmes, d'autant que la santé de nos enfants en pâtit », dira Allaoua Saoudi, qui invite les autorités à venir constater de visu dans quelles conditions vivent les habitants de cette bourgade oubliée et dépourvue de toutes les commodités. Même la chaussée n'est pas bitumée dans ce hameau. Non sans amertume, Abdelkader Charmat, un agent de nettoiement, relève : « C'est la première fois depuis 1962 qu'un journaliste daigne rendre visite à notre douar isolé et mis en quarantaine, pour on ne sait quelle raison. La pénurie de gaz butane nous oblige à nous rabattre sur le gasoil. Je dois, à cet effet, débourser trimestriellement plus 20 000 DA, qui grèvent mon budget ». La situation est identique au niveau de Chirhoum, un bourg situé à quelques kilomètres des lieux précités. Là aussi, la pénurie de gaz butane fait des siennes ; elle est ressentie par les citoyens de Aïn Abassa, de Guelta Zerga, Beni Fouda et bien d'autres localités qui grelottent. Pour Mme Hamouda, cadre à la direction des mines de la wilaya, il s'agit d'un problème national. Elle dira à ce propos : « La rareté du vrac est à l'origine de la dernière pénurie qui s'estompe peu à peu. Il faut dire que la pénétration du gaz naturel, dont le taux dépassera les 65% à l'issue de 2008, est pour beaucoup dans la baisse de la demande en gaz butane. Depuis deux années, nous sommes passés d'une demande de 32 000 bonbonnes/jour à 17 000. Vous en conviendrez, la différence est de taille. Avec les futurs raccordements devant toucher, au début de l'année prochaine, des foyers de plus de 20 000 habitants de Beni Aziz, Aïn Abassa, Bouandas, Hammam Soukhna, Amoucha, Beni Fouda, et Guelta Zerga, le recours au butane connaîtra une autre sensible baisse. Le taux de pénétration, qui atteindra à la fin de 2009 plus de 70%, boostera les conditions de vie d'une bonne partie de la wilaya ayant réalisé en la matière des progrès titanesques. » En attendant, les SDF de régions entières grelottent en cet hiver, plus rude que les précédents…