Le froid, la tempête de neige, les routes coupées, tel est le quotidien des populations des montagnes chaque hiver. L'hiver s'est installé en basse Kabylie. Le manteau de neige embellit les villages situés sur les hauteurs des deux versants des monts longeant les deux rives de l'oued Soummam. Les chutes de neige enregistrées depuis une quinzaine de jours sur le massif de l'Akfadou et du Djurdjura sont visibles de loin. Tel un manteau blanc, épais et harmonieux, elle couvre les plus hauts villages: Akfadou, Adekar. Le blanc, qui s'étale à vue d'oeil tapissant le vert habituel de la forêt, donne plus de lumière. Le thermomètre a chuté dans ces régions. Le froid a pris place, ne laissant pas beaucoup d'initiative sauf celle de se terrer en ville. Très présents à Sidi Aïch et Béjaïa, les habitants des communes enneigées descendent dans les chefs-lieux des communes situées un peu plus bas et loin de la neige ou dans les villes pour les commissions, pour y passer un moment dans les cafés, histoire aussi de s'informer de l'actualité. Mais tout le monde ne peut pas s'offrir ce luxe. Audelà de la joie que procure l'arrivée de la neige, les désagréments commencent pour les montagnards au moment où la wilaya de Béjaïa accuse un grand retard dans le raccordement au réseau du gaz naturel. La bouteille de gaz butane devient reine en ce moment. Elle se fait rare dans tous les villages. Sa rareté génère, en cette période de grand froid, des tensions et des désagréments au sein de la population. Dans les montagnes, le froid reste la préoccupation principale. Pour les habitants réchauffer son abri est le souci lancinant. Si dans les centres urbains, les regards sont braqués sur les risques d'inondation, à Akfadou, culminant à plus de 1000m d'altitude, à près de 70 kilomètres de Béjaïa, le froid donne des soucis. Les chutes de neige sont présentes depuis déjà plus de 15 jours. La température atteint le plus bas niveau au point que les montagnards, emmitouflés dans leurs burnous, ne mettent pas le pied dehors. L'ambiance n'est présente que dans les cafés. Mais pour s'y rendre, il faut d'abord lutter contre le froid. Pour les employés du secteur public, dès que le climat se gâte, on prend moins de risque. Les écoliers sont renvoyés «avant que cela ne soit trop tard», indiquait ce surveillant dans une école avant de préciser que l'«on ne peut prendre le risque de garder les écoliers devant un temps qui s'altère. C'est une responsabilité que personne ne peut assumer». Chez le privé, la journée est perdue. Dans cette localité montagneuse plus familière de la forêt que de la ville, la population n'a d'autre choix que de recourir au bois pour se réchauffer. Le commerce du gaz butane existe mais on est loin d'en être assuré. Pour le gaz naturel, on l'évoque de temps à autre. «Le gaz de ville est fait pour la ville», note Omar avec une certaine amertume. C'est une façon pour ces villageois de marquer une distance avec cette énergie qui relève, pour l'heure, d'un rêve. «Avec le retard qu'accuse Béjaïa en la matière, le gaz de ville profitera à la prochaine génération», lance son ami. Akfadou, Chemini et Tibane ne sont pourtant qu'à une vingtaine de kilomètres de la station de détente du gazoduc de Takeriets, sur la nationale 26. Dans les foyers, le gaz butane ne sert que pour la cuisine. «À 250DA, la bouteille est un luxe», estime ce villageois de Chemini. Le bois est le recours principal de tous. Des jeunes, qui ont acquis des tronçonneuses, en font leur activité principale. Dans les montagnes, on s'y prépare dès l'été. A 3000DA la benne d'un tracteur, le montagnard trouve son compte. Les montagnards sont seuls face à la rudesse de la nature. L'hiver 2005, lorsque ces régions étaient coupées du monde cinq jours durant, est toujours présent dans les mémoires. Les autorités semblent avoir tiré quelques leçons. Dès le moindre bulletin d'alerte météorologique, les engins de déneigement sont remontés vers les villages les plus élevés des communes. La commune d'Akfadou a, depuis, acquis un camion chasse-neige. Mais au village, la vie reste dure. Les coupures de courant sont légion.