La Banque d'Algérie vient de diffuser une liste de sociétés interdites de toute domiciliation bancaire (jusqu'à ce qu'elles régularisent leur situation) pour avoir violé la réglementation de change et de mouvements de capitaux de et vers l'étranger. Il s'agit d'une quinzaine de sociétés privées d'exportation de déchets ferreux et non ferreux qui n'ont pas rapatrié les fonds provenant de leurs opérations commerciales. Pourtant, une bonne partie de ces entreprises a fait l'objet, il y a trois ans, de dépôt de plainte auprès des instances judiciaires et des dénonciations au niveau de la direction générale des Douanes. Ce qui suscite de lourdes interrogations, puisque les opérations concernées par cette interdiction ont atteint le délai de prescription : trois ans. Cette réaction tardive de la Banque d'Algérie laisse perplexe dans la mesure où cette institution a été très perspicace à l'égard d'opérateurs étrangers installés en Algérie et qui exportent les déchets ferreux et non ferreux. En effet, la direction générale des changes a transmis le 25 novembre 2004 aux banques et établissements financiers intermédiaires agréés une note dans laquelle elle fait part de mesures d'interdiction de domiciliation à l'égard de deux sociétés syriennes, Eurl Afif Import-Export Literie, dont le patron a 31 ans, et Eurl Madarati Import-Export, dont le responsable est âgé de 24 ans. Les opérations pour lesquelles ces sociétés ont été interdites de domiciliation venaient à peine de dépasser le délai consacré par la loi. Par ailleurs, il est important de signaler que sur cette liste des sociétés interdites à la domiciliation, cinq opérateurs n'ont pas présenté des registres du commerce tel que cela est exigé par la réglementation. Leur dossier ne contient qu'un récépissé de ce registre. En outre, certains responsables de ces sociétés sont connus pour être tout simplement des prête-noms. Les décisions de la Banque d'Algérie ne sont en fait qu'une goutte d'eau dans un océan tant ce scandale des exportations des déchets ferreux et non ferreux n'a toujours pas livré ses secrets et continue à saigner le Trésor public. Le 2 janvier, une vingtaine de députés, à l'initiative de leur collègue Hacène Laribi, ont interpellé par écrit le chef du gouvernement sur cette question et plusieurs autres liées à des scandales ayant secoué les institutions de l'Etat et ayant engendré un préjudice financier énorme à la collectivité « du fait des dépassements graves commis par les responsables des administrations chargées du contrôle du commerce extérieur », lit-on dans la lettre déposée sur le bureau de l'APN. Le premier dossier concerne les transferts illicites de sommes colossales en devises, 1,5 milliard de dollars, vers l'étranger par El Khalifa Bank, « sans que la Banque d'Algérie réagisse ». « A travers vos réponses, nous voulons situer les responsabilités administratives, civiles et pénales de toutes les parties impliquées dans cette dilapidation des deniers publics. » La seconde question a trait à l'importation de deux stations de dessalement d'eau de mer par Abdelmoumen Khalifa « ayant servi pour transférer 65 millions de dollars américains, et cela s'est avéré être des déchets ferreux sans aucune valeur ». Les députés veulent également connaître les dessous du scandale des fausses domiciliations bancaires ayant secoué la Banque de développement local (BDL). Cette situation a causé « une perte financière de 120 milliards de dinars en six ans ». Un autre scandale qui a ruiné le Trésor public et sur lequel les députés ont exigé des explications : l'importation des produits électroménagers et électroniques dans le cadre du SKD-CKD (produits finis ou semi-finis). Révélée en 2001, cette affaire a provoqué la mise sur pied par la Présidence d'une commission d'enquête de l'Inspection générale des finances au niveau des services des Douanes. Le préjudice causé par ce trafic a atteint, selon le premier responsable des Douanes, 80 milliards de dinars en quatre années seulement. Les députés ont également interrogé le chef du gouvernement sur les opérations « douteuses » d'exportation de dattes, de liège, de poisson et de cuir. « Ces opérations n'ont pas été contrôlées par la Banque d'Algérie et les services des Douanes puisqu'il n'y a jamais eu de rapatriement des devises de la part des sociétés exportatrices, au nombre de 25 000. » A travers cette interpellation, les parlementaires veulent en fait pousser à « un débat général sur la gestion des deniers publics ». Il est également question d'arriver en fin de compte à l'installation d'une commission parlementaire chargée de mener des enquêtes sur tous les dossiers susmentionnés et de « lever le voile sur cette opération de dilapidation des deniers publics et des biens de la collectivité ». Pour l'instant, selon des sources parlementaires, il est fort probable que le chef du gouvernement donne une réponse à toutes ces questions par écrit au lieu de le faire oralement. Ce qui complique davantage la volonté des députés de tenir un débat général sur les sujets contenus dans l'interpellation.