La mythique salle du Bataclan, dans le 11e arrondissement de Paris, était pleine comme un œuf, vendredi soir, pour rendre un hommage particulier au «Rebelle», Matoub Lounès, assassiné le 25 juin 1998 sur une route sinueuse près d'Ath Douala, non loin de Tizi Ouzou. Sa veuve, Nadia Matoub, initiatrice de l'événement, a voulu, 20 après, s'impliquer directement dans un vibrant hommage à son défunt époux, organisé à Paris. Igg Mouh, Louiza, Karim OSM, Akli D, Malika Domrane, Ali Amrane, Oulahlou et Zedek Mouloud ont plongé l'assistance dans une ambiance musicale magnifique. «Le choix de cette salle du Bataclan n'est pas fortuit», a déclaré, d'emblée, Nadia, sous les acclamations du public. A l'évocation de l'assassinat de Lounès, des youyous stridents fusaient dans la salle. Certains n'ont pas pu retenir leurs larmes. Nadia n'a pas manqué aussi de rendre hommage aux trois jeunes tués lors des émeutes qui ont suivi la mort de Matoub, en juin 1998. «On ne peut pas rendre hommage à un chanteur comme Lounès sans évoquer les autres martyrs de la démocratie, notamment les jeunes qui ont été tués après son assassinat, les victimes des événements de Kabylie de 2001. Lounès, qui a semé durant toute sa vie l'espoir, est aussi mort pour la liberté d'expression. De ce fait, cet événement est aussi un hommage au jeune blogueur de Béjaïa condamné à sept ans de prison ferme», dira Nadia, visiblement très émue et qui a eu même des difficultés à s'exprimer devant une foule nombreuse. Une foule composée de toutes les catégories d'âge, des Kabyles, des Chaouis, des Touareg, des Mozabites, mais aussi des Amazighes de Libye, de Tunisie et du Maroc et d'autres qui aimaient le «Rebelle», venus tous s'incliner à la mémoire de Matoub Lounès. Après l'acclamation d'une série de poèmes par le célèbre poète targui, Hawad, le bal a été ouvert par le jeune rappeur d'Akbou, Karim OSM. Igg Mouh, le chanteur engagé marocain a aussi, après deux belles chansons, rappelé que «le meilleur hommage à rendre à Matoub Lounès est de continuer son combat dans l'union et la fraternité. On est tous des Amazighs persécutés. Je profite de cette occasion pour rendre aussi un hommage au militant de la cause amazighe, Nacer Zafzafi, qui croupit derrière les barreaux au Maroc, et tous les détenus d'opinion du Rif et on réclame leur libération». De son côté, la chanteuse Louiza a égayé la galerie avec des chansons du terroir des années d'or de la chanson kabyle. Akli D, pour sa part, et avec son timbre de voix inimitable, a fait vibrer la salle du Bataclan avec ses textes repris en chœur par le public. Anfas i Larvi tranquille, Aya Barmane, sont autant de tubes de l'enfant de Draâ El Mizan, qui ont été chantés avec un brin de mélancolie, mais aussi avec beaucoup d'inspiration et d'énergie. «Lounès, on ne pourra jamais t'oublier», dira, à la fin de sa prestation, Akli D. Ali Amrane a choisi de chanter, en acoustique, une chanson inédite, dans laquelle il a rendu hommage à Matoub. Avec le jeune guitariste Youva Abranis, l'artiste a créé, dans la salle, une ambiance du rythme musical Folk Rock. Guitare en bandoulière et cheveux défaits, Ali Amrane était tout simplement merveilleux en cette soirée dédiée à Matoub Lounès. Juste après, rien qu'à l'annonce de sa montée sur scène, le chanteur engagé, Oulahlou, a provoqué un tonnerre d'applaudissements. «Le combat de Lounès ne sera pas vain», lance-t-il, avant d'entamer son concert. Il a également honoré, à l'occasion, la mémoire de Taous Amrouche, avec l'une de ses meilleures chansons. Pouvoir assassin, un texte composé par l'artiste durant la douleur des événements de Kabylie de 2001, était une chanson qu'Oulahlou ne pouvait pas monter sur scène sans la chanter. Une chanson qui est devenue presque un hymne en Kabylie. Toute l'assistance l'a chantée en chœur avec Oulahlou. Malika Domrane, la diva du Djurdjura et amie d'enfance de Lounès, a su, elle aussi, susciter de vives émotions chez le public, notamment avec sa chanson Ouh Ayssalou. La soirée a été clôturée par Zedek Mouloud, qui a couronné cet hommage par de belles productions. Notons que l'ancien ministre français de la Culture, Jack Lang, a assisté à l'événement. Une présence qui n'est pas passée inaperçue.