Après la liquidation de Brown and Root Condor (BRC), filiale de la compagnie algérienne Sonatrach dissoute en 2007, le fils de l'ancien et actuel PDG de la compagnie pétro-gazière algérienne, Abdelmoumen Ould Kaddour, avait essayé, en 2013, de transférer des fonds depuis le Liban vers Hong Kong. C'est ce qu'a rapporté le journal libanais Daraj, à la faveur d'une longue enquête journalistique en langue arabe, publiée dans son édition d'hier. Après l'éclatement du scandale financier des Panama Papers, Abdelhakim Benferhat, fils de Noureddine Benferhat, ancien officier relevant du DRS, reconverti dans le business de l'art et détenant une galerie d'art, Noor Arts, à Monaco, s'est retiré d'un montage offshore. Il y était associé avec Nacim Ould Kaddour, fils de l'actuel patron de Sonatrach. Dans un courriel datant du 17 juin 2016 adressé par Adolphe Debs, avocat à la société fiduciaire libanaise Saad, Debs & Partners Law Firm, à l'antenne genevoise de Mossack Fonseca, cabinet cité dans ce scandale financier, il est écrit : «Vous êtes priés de dissoudre votre société et la liquider définitivement le plus vite possible.» L'enquête, traduite en français par E-Bourse Algérie, explique : «Le cabinet Mossack Fonseca a proposé le groupe Synergex Group S. A. et Farahead Equipment Energy Limited à Ould Kaddour. Constituées en 2013, ces deux sociétés devaient prendre part dans le capital d'une autre société basée à Hong Kong, laquelle sera gérée par des agents locaux et servira à l'ouverture d'un compte dans une banque à Hong Kong, dont le bénéficiaire sera un prête-nom, désigné par la société libanaise. Cela permettra au bénéficiaire qui apparaîtra dans les documents de la société de Hong Kong d'être de nationalité libanaise.» Un échange de courriels entre le bureau de Mossack Fonseca à Hong Kong, adressé le 5 juin 2013 au service juridique de la firme panaméenne et le service juridique de cette dernière sur la possibilité d'ouverture par la firme libanaise d'un compte bancaire à Hong Kong, a rappelé que le Liban est blacklisté chez les banques HSBC, Hang Seng et DBS. Datant du 3 juillet 2013, la réponse était choquante : «Nous avons des confrères à Hong Kong qui nous ont indiqué qu'il n'y a aucune garantie pour l'ouverture d'un compte, même s'ils fournissent les services nécessaires à la création d'une société à Hong Kong. Les banques vont devoir examiner la nature des activités de votre client. Votre business est sensible et l'Algérie est un pays à haut risque et représente l'essentiel de son marché. Cela agit contre la possibilité de l'ouverture du compte. Ils vous demandent si la compagnie exerce d'autres activités et si vous pouvez fournir les pièces justificatives.» Inhabituel chez ce cabinet qui facilitait l'évasion fiscale partout à travers le monde et administrait des compagnies offshore bénéficiant à d'indélicats clients, le scepticisme de Mossack Fonseca est justifié par les informations que lui avait fournies Saad, Debs & Partners Law Firm quant à la provenance des revenus de la société seychelloise Farahead Equipment Energy Limited, l'autre société offshore associant Ould Kaddour à Benferhat. En 2009, le fils du PDG de Sonatrach s'est constitué quatre sociétés offshore au Liban, en l'occurrence Potter Financial et Dudley Investment respectivement le 27 et le 28 janvier, Essence-Ciel le 2 mars et Delta Consulting le 6 octobre. Ce montage financier étant réalisé par la société fiduciaire libanaise Saad, Debs & Partners Law Firm, c'est cette firme qui s'est chargée de l'ouverture d'un compte pour la société Synergex S. A. à Hong Kong, une société inscrite par le cabinet panaméen au cœur du scandale financier des Panama Papers aux Seychelles. Les documents et courriels obtenus par le journal allemand Süddeutsche Zeitung et partagés avec le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) ont établi le lien entre cette compagnie et les écrans libanais de Ould Kaddour. En payant les frais de gestion de la compagnie Synergex S. A. à partir d'un compte domicilié dans la banque suisse UBS, Adolphe Debs, le fondé de pouvoir de Nacim Ould Kaddour, l'a révélé dans un mail datant du 5 janvier 2015 : «Le transfert a été effectué par le biais de Dudley Investment, une société sœur de Synergex Group.» Quelle relation commerciale entretenait donc Nacim Ould Kaddour avec le marchand d'art Abdelhakim Benferhat ? Quelle serait l'activité qui aurait approvisionné les comptes libanais de Nacim Ould Kaddour à la Société Générale de Banque au Liban (SAL) et à la First National Bank et qui lui a permis de financer l'acquisition de l'appartement de Neuilly-sur-Seine, où le mètre carré est le plus cher de France avec 12 500 euros en moyenne et où le PDG de Sonatrach et sa famille s'étaient réfugiés à sa sortie de prison en 2009 ? Ni Ould Kaddour, ni Benferhat, ni leur fondé de pouvoir n'ont, en tout cas, voulu répondre aux questions de l'enquêteur. Ce dernier dresse dans son enquête un portrait de looser des deux fils de Ould Kadour, Nacim et Mohamed Réda. «Ce sont des loosers qu'aucun business ne leur ont vraiment souri en Algérie (...). Nacim Ould Kaddour n'a pas de business dont il peut se prévaloir à l'international et le cash-flow des entreprises qu'il a eu à créer en Algérie n'aurait jamais suffi à financer des acquisitions immobilières en France ou même en Espagne au lendemain de la violente explosion de la bulle de 2008», estime-t-il. Il a été rappelé, dans cette enquête, le parcours de Abdelmoumen Ould Kaddour depuis son procès jusqu'à son installation en France en 2009, après sa libération de prison. «La famille Ould Kadour a acquis une résidence à Neuilly-sur-Seine d'une contenance cadastrale de 38 ares et 26 centiares (3826 m2), englobant un appartement, deux caves et un emplacement de parking et dont la valeur se compte en millions d'euros», conclut l'enquête du journal libanais Daraj expliquant la manière et les moyens avec lesquels cette résidence a été achetée.