Chakib Khelil revient sur le devant de la scène médiatique : son nom a été cité, hier, dans le cadre des fortunes cachées dans les paradis fiscaux panaméens, aux côtés de ceux de son homme de confiance Réda Hemch (ancien chef de cabinet de Mohamed Meziane, ex-PDG de Sonatrach), de son conseiller financier Farid Bedjaoui et de son associé Omar Habour. Dans son édition d'hier, le journal français Le Monde, qui a pris part à l'enquête du Consortium de journalistes, sur le cabinet d'avocats, Mossack Fonseca, qui aide ses clients à placer leurs fortunes dans des paradis fiscaux panaméens, a cité hier Chakib Khelil, mais aussi son entourage le plus proche. Le journal commence par revenir sur le dossier Saipem, filiale du géant pétrolier italien ENI, en disant que la société a recouru aux services de deux hommes, Farid Bedjaoui et Omar Habour, en tant qu'intermédiaires, pour obtenir des marchés en Algérie en contrepartie de commissions. «La firme panaméenne Mossack Fonseca a d'ailleurs enregistré, au début des années 2000, une myriade de sociétés offshore pour le compte de Farid Bedjaoui, 46 ans, golden boy de nationalités algérienne, française et canadienne, dont le dernier lieu de résidence connu est Dubaï. Neveu de l'ancien ministre des Affaires étrangères, il est aujourd'hui au cœur du dossier. C'est sur les comptes bancaires émiratis de l'une de ses sociétés, Pearl Partners, domiciliée à Hong Kong, qu'ont été versés 198 millions d'euros (…) de ‘‘simples honoraires'' selon ses avocats.» Le Monde précise que qu'une partie de cette somme a été transférée vers Sorung Associated Inc, «une société créée par Mossack Fonsecka, le cabinet d'avocats panaméen, à la demande de la société suisse de gestion de fortunes Multi Group Finance, le 28 février 2007. Farid Bedjaoui a un mandat de gestion sur Sorung Associated et gère des comptes à la banque privée Edmond de Rothchild SA à Genève. C'est dans cet établissement que l'ancien chef de cabinet du PDG de Sonatrach, Réda Hemch, neveu de Chakib Khelil, a disposé d'un compte approvisionné de 1,75 million de dollars entre l'été 2009 et janvier 2010». Le journal français souligne, par ailleurs, que l'avocat de Farid Bedjaoui a expliqué que «les sociétés offshore n'ont rien d'extraordinaire pour un homme d'affaires international, elles ont été passées à la loupe par les autorités compétentes et rien n'a été trouvé». Mais Le Monde note que les autorités italiennes ont découvert que le nom de Bedjaoui apparaît dans au moins 17 sociétés domiciliées au Panama, aux îles Vierges britanniques et aux Emirats arabes unis. «Onze de ces sociétés ont été enregistrées entre 2004 et 2010 par Mossack Fonseca, à la demande de la société suisse Multi Group. Lorsque le nom de Bedjaoui apparaît dans la presse en 2013, Mossack panique. L'agence d'investigation financière du gouvernement des îles Vierges britanniques lui adresse un courrier, en février 2014, exigeant des détails sur ses sociétés, notamment Minkle Consultans SA, qu'il détient avec son co-accusé Omar Habour, domicilié à Neuilly-sur-Seine et à Genève. Ce dernier, qui possède avec Khelil une propriété dans le Maryland (Etats-Unis) aurait reçu un virement de 34,3 millions de dollars (30 millions d'euros) sur un de ses comptes au Liban.» Le silence de la justice algérienne Selon Le Monde, Habour apparaît comme le bénéficiaire effectif de quatre sociétés enregistrées par la firme panaméenne. Interrogé par les autorités des îles Vierges sur la société Girnwood International, indique le journal, Mossack Fonseca se contente de répondre, le 8 mars 2014 : «Le bénéficiaire effectif est Farid Bedjaoui.» Il précise : «Mossack Fonseca ne pouvait cependant ignorer que Habour était partie prenante de la société aux côtés de Ziad Deloul, beau-frère de Bedjaoui.» Les trois mis en cause (Farid Bedjaoui, Omar Habour, Réda Hemch) font l'objet d'un mandat d'arrêt international lancé par le pôle judiciaire spécialisé d'Alger à l'été 2013, dans le cadre de l'affaire Sonatrach 2, au même titre que Chakib Khelil. Mais en décembre de la même année, ce dernier a vu son nom retiré de la liste des neuf personnes poursuivies par la justice algérienne, après que la chambre d'accusation près la cour d'Alger ait annulé la procédure (du mandat de dépôt). Depuis son retour en Algérie en grande pompe et le show médiatique qui lui a été consacré pour le laver de tous les faits qui lui étaient reprochés, voilà que son nom réapparaît alors que le tribunal de Milan, qui juge l'affaire Saipem, ajourne sa décision d'accepter ou non sa convocation en tant que témoin, tel que réclamé par son conseiller financier Farid Bedjaoui qui comparaît pour «corruption» et «blanchiment d'argent». Encore une fois, c'est la justice algérienne qui vient d'être mise au pied du mur. Son silence inexpliqué face à une cascade d'informations sur l'existence de comptes offshore, ayant servi probablement — pour ne pas dire sûrement — à des transferts de fonds douteux opérés par des officiels, connus comme étant des personnalités politiquement exposées, porte gravement atteinte à l'image du pays. L'image d'une justice au service d'un clan au pouvoir, dont certains membres ne s'offusquent même pas des révélations fracassantes sur leurs richesses mal acquises et transférées à l'étranger au nez et à la barbe du fisc et de la Banque d'Algérie.