Les adeptes de Bacchus à Batna ne savent plus quoi faire. Depuis deux mois, les deux seuls dépôts de boissons alcoolisées sont fermés sur ordre du wali. La sanction, faut-il le souligner, est durement ressentie, non seulement par les dépositaires en question, mais surtout par les consommateurs qui, chaque jour, doivent faire le déplacement, qui vers Constantine, qui vers Sétif, pour s'approvisionner. Si ces déplacements sont valables pour les personnes véhiculées, il en est autrement pour celles qui n'en ont pas les moyens ! Pour ces derniers, ils deviennent les proies des revendeurs au noir, dont les gains, autant que les risques, se sont multipliés (la canette de bière est cédée à 300 DA au lieu de 150 DA et 1500 DA la bouteille de vin au lieu de 450 DA). En effet, si avant ces décisions, pour le moins gauches, les deux dépôts étaient déjà insuffisants pour satisfaire la demande, qu'en est-il aujourd'hui ? Ce sont des centaines de personnes qui font la navette quotidiennement entre Sétif et Batna ou bien Constantine et Batna, certains pour leur propre consommation et d'autres pour le commerce illicite. Déjà avant la fermeture, faut-il le rappeler, il n'existait pas de quartier à Batna où l'on ne pouvait pas s'approvisionner auprès de points de vente au noir, et encore mieux, on se faisait livrer à domicile après 18h ! La nature ayant horreur du vide, à qui profite cette sentence ? Les deux seuls dépôts donc, l'un à l'entrée nord de Batna, l'autre à une dizaine de kilomètres à l'entrée sud-ouest, étaient ouverts de 9h à 18h. Les revendeurs à la sauvette prennent le relais, et, c'est un secret de Polichinelle, jusqu'à des heures tardives de la nuit et parfois les week-ends jusqu'au petit matin. Il arrivait alors que les services de police arrêtaient de temps en temps un ou deux revendeurs, mais ces arrestations faisaient le bonheur du reste. Ce week-end, justement, un communiqué émanant de la cellule de communication de la sûreté de wilaya fait état de l'arrestation d'un sexagénaire en possession de 165 canettes de bière, une quantité somme toute dérisoire par rapport à ce qui est distribué quotidiennement. Aujourd'hui, les discussions vont bon train et, faisant dans la nostalgie, on n'arrête pas d'évoquer «le bon vieux temps», où pas mois de 13 bars étaient de service dans la seule ville de Batna ! Approché par nos soins, l'un des dépositaires a préféré rester discret sur cette histoire, alors qu'ailleurs on raconte qu'il s'est acquitté d'une somme colossale auprès des services des impôts. Par ailleurs, des échos font état d'une forte demande de la part des agences de tourisme qui reçoivent des touristes étrangers, et ce, sans parler de la communauté étrangère en poste à Batna (Chinois, Portugais, Italiens et Turcs). Enfin, punir les contrevenants est en soi une sage décision, encore faut-il tenir compte des dégâts collatéraux, les consommateurs, certes, mais aussi le Trésor public qui, en ces temps de vaches maigres, a besoin de remplir ses caisses.