Sur les 13 magistrats déférés devant le CSM (Conseil supérieur de la magistrature), sept ont été révoqués alors que les six autres ont été suspendus temporairement ou rétrogradés. Jamais autant de magistrats n'ont été débarqués lors d'une seule session disciplinaire, dont les décisions ont fait tache d'huile... Décrétées en session disciplinaire, les dernières décisions du CSM (Conseil supérieur de la magistrature) ont surpris plus d'un, en raison du nombre important des sanctions prononcées et l'absence d'un quelconque acquittement. En effet, durant les trois jours des travaux (de dimanche à mardi derniers), le CSM, présidé par le premier président de la Cour suprême, Slimane Boudi, a examiné 13 dossiers (disciplinaires) de magistrats auxquels la chancellerie reproche bien des griefs. D'un coup sept révocations ont été prononcées à l'issue de cette session, l'une des plus courtes du Conseil. Il s'agit d'abord du procureur du tribunal de Boudouaou et de son adjoint, les deux en détention dans le cadre de l'affaire de Kamel Chikhi, principal prévenu dans le scandale des 701 kg de cocaïne. Pour les plus avertis, au-delà des faits pour lesquels les mis en cause ont été poursuivis et mis en détention, ils ne sont pas définitivement reconnus coupables. Ils bénéficient toujours de la présomption d'innocence, comme cela est le cas pour les deux autres magistrats inculpés et placés sous contrôle judiciaire, pour la même affaire. Mieux encore. La loi donne le droit aux magistrats déférés devant le CSM d'être assistés. Or, les deux procureurs révoqués étaient absents et leur défense a plaidé, vainement, leur cause. La chancellerie a vite fait de clore leurs dossiers en s'en «débarrassant». Le CSM a également révoqué le procureur général adjoint de Batna, un président de chambre à la cour de Tipasa et un juge d'instruction au tribunal d'Oran, auxquels il est reproché leur «insuffisance professionnelle». La même décision a été infligée au procureur général adjoint d'El Tarf, poursuivi pour «conduite en état d'ébriété» et au juge d'instruction du tribunal de Chelghoum Laïd à Mila. Ce dernier s'est retrouvé en session disciplinaire d'une manière surprenante. Il aurait demandé à un de ses anciens collègues à El Oued, où il exerçait avant d'être muté à Chelghoum Laïd, d'intervenir dans un dossier. Son collègue a enregistré la communication pour l'utiliser contre lui. Il faut dire que c'est la première fois que plus de 50% des magistrats déférés devant le Conseil se retrouvent avec une révocation, la plus lourde des sanctions. La plus grande partie, faut-il le souligner, sont des parquetiers qui relèvent directement de la chancellerie. En outre, il faut noter que les six autres magistrats, dont les dossiers ont été examinés durant cette session disciplinaire, ont tous été soit rétrogradés, soit suspendus temporairement pour une période n'excédant pas 12 mois. Pour bon nombre de magistrats avec lesquels nous nous sommes entretenus, cette session disciplinaire suscite de lourdes interrogations, pour ne pas dire de l'inquiétude. «Jamais autant de révocations n'ont été prononcées durant une même session. Depuis l'arrivée de l'actuel ministre, les dossiers disciplinaires sont bien étudiés, les mis en cause ont le temps et les moyens de se défendre. Durant cette session, cela n'a pas été le cas. L'examen des dossiers s'est fait avec une rapidité inouïe et certains ont été privés de leur droit de se défendre. Il y a comme une volonté d'expédier cette session et d'en faire un exemple pour d'autres qui pourraient être programmées incessamment», déclarent nos sources, tous des magistrats, qui regrettent «le silence de marbre» du SNM (Syndicat national des magistrats). Par cette position, disent nos interlocuteurs, le syndicat «cautionne les décisions de la chancellerie. Nous ne l'avons pas vu défendre les magistrats. Cela est vraiment regrettable».