Le juge de la 9e chambre du pôle pénal spécialisé d'Alger, qui siège au tribunal de Sidi M'hamed, près la cour d'Alger, n'aura certainement pas de vacances. Chargé du lourd et compliqué dossier des 701 kg de cocaïne trouvés dans une cargaison de viande importée du Brésil par le magnat de l'immobilier Kamel Chikhi, connu sous le nom de «Boucher», en raison de son activité liée au commerce de la viande. En effet, selon des sources bien informées, durant ces deux dernières semaines, le magistrat instructeur a entamé les auditions sur le fond de 18 prévenus sur les 24 actuellement en détention, dans le cadre de cette affaire et qui ont vu leurs demandes de mise en liberté rejetées par la chambre d'accusation. Le premier groupe convoqué au bureau du juge est composé de six prévenus : le fils de l'ex-Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, l'ancien maire de Ben Aknoun, le fils d'un ancien wali de Relizane, le chauffeur personnel de l'ex-patron de la police, Abdelghani Hamel, le procureur du tribunal de Boudouaou et son adjoint. Chacun des mis en cause devra être entendu à part sur les délits qui lui sont reprochés et peut aussi être confronté à ses codétenus, notamment Kamel Chikhi. C'est avec le fils de Abdelmadjid Tebboune, l'ex-chef de l'Exécutif, que le magistrat a entamé les interrogatoires qui se poursuivront durant tout l'été, puisqu'il s'agit de respecter le délai de quatre mois, prévu par le code de procédure pénale. D'ici le mois d'octobre, les 18 prévenus, poursuivis pour des délits tels que «perception d'indus avantages», «corruption», «trafic d'influence», «abus de fonction», etc., doivent être soit renvoyés devant le tribunal pour être jugés, soit mis en liberté. En plus des six premiers prévenus cités, 12 autres, à savoir les chefs des services de l'urbanisme de Kouba, de Aïn Benian, de Draria, de Chéraga et de Hydra, les conservateurs du foncier de Hussein Dey et de Bouzaréah, deux contrôleurs de la conservation foncière de Hussein Dey, un fonctionnaire de la conservation foncière de Bouzaréah et un architecte de la direction de l'urbanisme d'Alger, actuellement en détention, sont sur la liste des auditions durant les jours à venir. Pour ce qui est de l'affaire liée à l'importation de la cocaïne, le juge n'a toujours pas entendu sur le fond les six prévenus poursuivis pour plusieurs chefs d'accusation liés au trafic et commerce international de drogue, à savoir Kamel Chikhi, un de ses frères, un de ses associés, son directeur commercial et un agent. L'instruction dépendra du retour des commissions rogatoires, délivrées il y a une vingtaine de jours au Brésil, d'où la marchandise a été embarquée, et à l'Espagne, où elle a été transbordée à bord d'un autre navire après l'ouverture des scellés, le magistrat a scindé l'affaire en trois dossiers. Elle risque de prendre beaucoup de temps. Mais en attendant, le juge a sur les bras deux dossiers liés à l'affaire. L'un concerne les faits de «blanchiment d'argent» en lien avec l'activité immobilière du principal prévenu, et l'autre sur les connexions de ce dernier avec les fonctionnaires de l'Etat, qui seraient apparus sur les enregistrements vidéo (image et son) des caméras de surveillance du «Boucher», installés dans tous ses bureaux, y compris dans celui où sont entreposés les coffres-forts, mais aussi les enregistrements des communications téléphoniques avec certains responsables de l'Etat. Une longue liste de ces personnalités militaires et civiles serait compromise. Certaines ont été écartées de leurs postes dans la discrétion la plus totale, comme pour les protéger, et d'autres risquent à n'importe quel moment d'être convoquées par le juge pour expliquer leur proximité douteuse avec Kamel Chikhi. Une proximité qui lui a permis, faut-il le préciser, d'ériger un immense parc immobilier dans de nombreux quartiers résidentiels de la capitale, moyennant en retour «des avantages en nature ou en biens immobiliers».